Paix et Droits de l'homme

Combattre l'injustice et l'arbitraire pour construire la Paix

5 octobre 2020

3ème mandat

Les meilleurs savent passer le relais

Partout où des chefs d’État cherchent à s’octroyer un troisième mandat ou la présidence à vie, ils développent toutes sortes d’argumentations, la meilleure étant généralement le parachèvement ou la consolidation de ce qu’ils considèrent comme leur œuvre. Sauf qu’aucune nation n’a jamais été entièrement bâtie par un seul homme.

En Guinée et en Côte d’Ivoire, les opposants affichent une détermination inquiétante à empêcher les présidents Alpha Condé et Alassane Ouattara de s’octroyer le troisième mandat que brigue chacun d’eux, en ce mois d’octobre. Comment expliquer que les deux chefs d’État demeurent si confiants, alors que leurs peuples et l’opinion, en Afrique, tremblent ?

Vous connaissez, évidemment, la citation : « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre ». C’est à se demander si les dieux ne rendent pas d’abord sourds et aveugles les dirigeants politiques qu’ils veulent perdre. Car enfin, personne ne peut raisonnablement penser que cette chevauchée effrénée vers le troisième mandat se termine autrement que mal, en Guinée comme en Côte d’Ivoire. Le chaos et/ou la guerre ne surgiront pas nécessairement dès le lendemain de cette présidentielle, et encore ! Mais, même s’ils ont, dans l’immédiat, l’impression d’avoir gagné la partie, les conséquences, tôt ou tard, viendront, et elles seront probablement violentes, certainement dramatiques, non seulement parce que cette quête est politiquement contre nature, mais aussi parce qu’elle plonge ses racines dans bien trop d’injustices.

Mais les dirigeants politiques africains sont toujours confiants, jusqu’à ce que survienne le pire. Combien d’hommes politiques ont perdu, ou même péri, pour avoir inconsidérément cru que le seul fait de parvenir au pouvoir décuplait leur quotient intellectuel.

Pourquoi êtes-vous si certain que, même élus, ces deux dirigeants finiront par perdre cette bataille ?

Parce qu’ils la perdront. C’est d’autant plus désolant qu’ils feront, du même coup, basculer l’Afrique de l’Ouest dans une tendance générale à ruser systématiquement avec les institutions. Changer la Constitution pour ne pas avoir à la respecter. Changer la Constitution pour son bénéfice personnel, et se croire, du coup, exempté des limites que vous imposait la précédente, ce n’est pas bien.

Lorsque l’on change la Constitution, ce doit être pour l’améliorer, dans le sens de l’intérêt général. Et non pas pour y glisser ce qui vous arrange personnellement, en feignant de ne se préoccuper que des articles acceptables pour tous. Cette fâcheuse, et même très ennuyeuse façon de tricher avec la loi fondamentale, la mère des lois, était, naguère sibylline. Elle se fait, maintenant, à visage découvert.

On vous entend. Pourtant, certains parviennent à leurs fins…

Oui. Mais cela ne leur profite jamais durablement. Tanja Mamadou, au Niger, a fini par être renversé par un coup d’État. Abdoulaye Wade, au Sénégal, a été battu par la détermination de la jeunesse sénégalaise, et grâce à l’intégrité des hommes en charge des institutions gérant les élections. Les opposants guinéens et ivoiriens doutent, justement, de l’intégrité des hommes qui incarnent les institutions. Sans compter cette propension des instances en charge de la validation des résultats à s’aplatir devant le pouvoir. L’Afrique n’a pas oublié le pathétique spectacle du président de la Cour constitutionnelle qui valide la victoire de Laurent Gbagbo, avant de revenir, quelques semaines plus tard, pour valider celle d’Alassane Ouattara. Dans un cas ou dans l’autre, il a fait preuve de couardise, sinon de veulerie.

Prendre un pays et dire qu’on ne le lâchera que lorsqu’on aura achevé de le développer est une vaine prétention, que même l’immense Nelson Mandela n’a pas eue. Parce que, mille ans après lui, il restera toujours beaucoup à faire pour porter l’œuvre de développement vers le presque-parfait. Et, souvent, lorsqu’un dirigeant s’entête, sous prétexte de consolider son œuvre, il en sape plutôt les fondements et, parfois, met la nation en danger.

 

Source: Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI

Partager

Articles liés

20 mai 2023

En plus des grands producteurs comme le Nigeria et l’Angola, des pays comme le Gabon, le Tchad, le Congo, relancent leur industrie pétrolière, profitant de l’intérêt de grandes compagnies et des grands projets de pipelines en Afrique de l’Ouest et centrale.  

27 juin 2022

Approbation, validation, …. Dans la Lékoumou, entreprises et  administration sont désormais vent debout pour l’aménagement des unités forestières. Une grande première dans ce département où l’exploitation a souvent précédé l’aménagement. Souriant, jovial, décontracté,… Un Fabrice Kimpoutou visiblement satisfait. Tant, « nous avons pu trouver ce que nous étions allés chercher dans le département de la Lékoumou »,...

2 juin 2022

Les participants du 13e Forum sur la gouvernance forestière (FGF), tenu les 23 et 24 mai 2022 à Brazzaville en République du Congo déplorent la gestion opaque des forêts du Bassin du Congo. Une situation préjudiciable au climat ainsi qu’aux économies respectives des pays de la sous-région Afrique centrale. Le 13e Forum sur la gouvernance forestière...

11 janvier 2022

Au Congo-Brazzaville, des populations du département de la Lékoumou découvrent le Centre d’assistance juridique et d’action citoyenne (CAJAC). Et l’instrument proposé par la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH) pour anticiper des antivaleurs comme la corruption, produit déjà des résultats encourageants. Illustration. Tonnerre d’applaudissements, explosion de joie, poignées de main en...

1 juin 2021

Alors que se prépare le sommet du G7 au Royaume-Uni la semaine prochaine, un point domine l’ordre du jour : comment mettre fin à la pandémie de COVID-19 et assurer la reprise dans le monde. Nous faisons face à des difficultés pressantes. Il est désormais clairement établi qu’il n’y aura pas de reprise généralisée tant que...

26 février 2021

« Quelle stratégie mettre en place par les Eglises Catholique et Evangélique du Congo pour le suivi de l’élection présidentielle du 21 mars 2021 ? » Telle est la question à laquelle ont répondu les Responsables de ces deux Eglises lors de leur Concertation sur les élections tenue le 22 février 2021, dans la Salle...

28 juin 2020

Malgré des progrès indéniables, la gouvernance forestière en République du Congo (RC) reste faible. Deux nouvelles études soulignent que seules des réformes radicales pour lutter contre la corruption, accroître la responsabilité et la transparence, renforcer l’application des lois et mieux impliquer la société civile permettront aux forêts congolaises de s’engager pleinement dans la lutte contre...

19 juin 2020

Le respect de tous les droits de l’homme est un pilier de sociétés libres, stables et prospères et l’UE est fière d’être à l’avant-garde de la promotion et de la protection universelles de tous les droits fondamentaux.

24 septembre 2019

Le 3 septembre 2019, le président français Emmanuel Macron (au nom de CAFI, dont la France assure la présidence cette année) et le président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso, ont signé un accord déterminant de 65 millions USD visant à mettre en œuvre le Plan d’investissement de la REDD+ et l’utilisation durable des...

10 mai 2019

L’organisation de Bretton Woods a annoncé, ce 9 mai avoir conclu un accord avec le gouvernement du Congo Brazzaville, ouvrant la voie à un programme d’aide, une décision attendue depuis plus de deux ans Un programme du FMI va 《aider la République du Congo à rétablir la stabilité macroéconomique et à  réaliser une croissance plus...

23 mars 2019

Le meilleur moyen de les combattre consiste à renforcer les droits fonciers des communautés et à consolider la démocratie, selon Brice Böhmer et Marie-Ange Kalenga.