Le 3 septembre 2019, le président français Emmanuel Macron (au nom de CAFI, dont la France assure la présidence cette année) et le président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso, ont signé un accord déterminant de 65 millions USD visant à mettre en œuvre le Plan d’investissement de la REDD+ et l’utilisation durable des terres à travers l’élaboration du plan National d’Affectation des Terres et les Schémas Départementaux d’Aménagement du Territoire. Ce qui à long terme favorisera la lutte contre la déforestation et à améliorera la gouvernance forestière au Congo.
L’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI) à l’origine de l’accord entend s’assurer qu’il contribue au développement économique à travers une gestion durable du territoire. Le gouvernement congolais s’est également engagé à éviter la conversion de forêts abritant de forts stocks de carbone et ayant une valeur de conservation élevée.
Christian Mounzéo de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme et coordonnateur de la Campagne Publiez ce que vous payez a déclaré : « la société civile congolaise se félicite de cet accord. Les taux de déforestation ont été faibles par rapport aux pays voisins, en Asie du Sud-Est ou en Amazonie. Cependant, en raison de la corruption endémique et de la faiblesse de la gouvernance, l’accord doit pouvoir anticiper les défis pour prétendre atteindre les objectifs visés. Les partenaires de CAFI doivent garantir un suivi effectif des engagements pris ainsi que l’intégrité dans la gestion du financement accordé. Pour cela, le rôle et la participation de la société civile et des communautés locales et populations autochtones dans le suivi de l’accord sont cruciaux et doivent être renforcés. »
La République du Congo est riveraine de la deuxième forêt tropicale du monde et les forêts apportent une contribution importante à l’économie nationale et aux moyens de subsistance des populations forestières.
Cependant, malgré la signature de l’Accord de Partenariat Volontaire (APV) FLEGT avec l’UE visant à mettre fin au commerce de bois issu de sources illicites, et des engagements en faveur d’une agriculture durable, des faiblesses subsistent toujours en ce qui concerne la mise en œuvre de lois et mesures visant à améliorer la gouvernance forestière.
Nina Kiyindou de l’Observatoire congolais des Droits de l’Homme a déclaré : « le Congo a lancé des réformes importantes dans le secteur forestier et la gestion des ressources naturelles, mais les progrès sont lents – neuf ans pour réviser une loi, depuis la première révision lancée par la FAO en 2010 ! » Elle a souligné que « l’adoption du nouveau code forestier est en attente depuis des années et les communautés locales, en particulier les femmes et les populations autochtones dont la survie dépend des forêts, continuent à être marginalisées dans les décisions concernant la gestion des forêts. » A cela s’ajoutent la Loi de l’environnement qui est à la Cour suprême, la caducité de loi sur la faune et l’absence des textes d’applications desdites lois. C’est pourquoi la société civile exige la mise en place d’un cadre de gestion et de concertation comprenant toutes les parties prenantes.
Lancée en 2015, CAFI s’engage à protéger les forêts du bassin du Congo et à soutenir une gouvernance renforcée de ses écosystèmes. Une coalition de donateurs – comprenant l’Union européenne, l’Allemagne, la Norvège, la France et le Royaume-Uni – soutient ces efforts en collaboration avec les pays d’Afrique centrale. CAFI a promis une nouvelle ère dans la protection des forêts qui contribuerait à l’amélioration des conditions de vie des peuples forestiers et au développement durable.
Il reste à espérer que la lettre d’intention de CAFI est davantage qu’un vœu pieux. Des étapes importantes telles que la fin de l’exploitation forestière illégale et la déforestation, et l’amélioration de la gouvernance forestière par le biais de l’APV et de la REDD+ doivent être rapidement atteintes et entraîner une transparence accrue et des retombées positives pour l’ensemble des Congolais.
CAFI doit notamment utiliser tous les moyens possibles pour impulser un cycle vertueux dans plusieurs domaines de la gouvernance au Congo, tels que :
· La mise en œuvre et l’application de la Loi sur la transparence ainsi que la publication des recettes forestières, qui permettraient un partage équitable des revenus avec les communautés – jusque-là partielles.
· L’adoption d’un nouveau Code forestier adapté aux besoins de toutes les parties prenantes, garantissant une gestion forestière responsable.
· L’adoption de lois équitables respectant les droits coutumiers des communautés locales et populations autochtones, et protégeant leur droit de gérer leurs forêts et au consentement libre, préalable et éclairé pour les décisions concernant leurs terres.
· La finalisation du processus participatif d’élaboration des plans d’aménagement des concessions forestières du pays et particulièrement ceux du sud.
· La fin de l’impunité pour la corruption, et en particulier la mauvaise gouvernance dans le secteur forestier.
· L’inclusion des femmes dans les décisions touchant aux conditions de vie des communautés forestières, ce qui répondra à leurs besoins de subsistance et à ceux des enfants touchés par la perte des forêts.
· L’exigence que les secteurs minier, hydrocarbures et forêts réduisent leurs impacts sur les écosystèmes forestiers.
· Le renforcement de la participation de la société civile dans les mécanismes de suivi de la lettre d’intention de CAFI.
A un moment où les forêts sont confrontées à des menaces multiples les moyens de subsistance des populations forestières sont menacés, il est urgent que l’UE et les autres donateurs de CAFI encouragent de réels progrès tout en garantissant aux acteurs de la société civile et aux communautés locales une place solide autour de la table. Ce sont les conditions minimales pour que CAFI tienne sa promesse de protéger les forêts du Congo et d’améliorer les conditions de vie de ceux qui en dépendent.
Marie-Ange Kalenga | ||
|