Moi, je suis le bon pasteur ; le bon pasteur livre sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, qui n’est pas le pasteur et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit-il venir le loup, il laisse les brebis et s’enfuit, et le loup s’en empare et les disperse. C’est parce qu’il est mercenaire et ne se soucie pas des brebis… (Jean 10,11-13)
La récente prise de parole de Mgr Louis Portella Mbuyu, évêque de Kinkala demandant la cessation des bombardements dans le Pool a mis en émoi les journalistes-mercenaires, zélateurs à la solde des hommes au pouvoir au Congo-Brazzaville ; ils se sont mis à le vilipender, l’accusant de ne pas respecter le « devoir de réserve » que lui impose sa fonction d’évêque. Cet émoi des chantres du pouvoir de Brazzaville en a provoqué un autre : celui des chrétiens et des hommes de bonne volonté qui ne comprennent pas que, pour avoir dit certaines évidences, – et encore avec beaucoup de doigté et de réserve- l’évêque de Kinkala dont la circonscription ecclésiastique couvre une grande partie du Département du Pool soit l’objet d’attaques aussi féroces qu’injustifiées.
Mercenaires de la plume et du micro au service des crimes politiques
Ils ont la mémoire courte, ces hommes et chrétiens de bonne volonté qui oublient que la tradition des hommes politiques congolais depuis 1963 intègre l’invariant de l’anticléricalisme servant à désigner l’Eglise catholique et ses responsables comme boucs émissaires des turpitudes qui minent le vivre-ensemble harmonieux et le développement de notre pays. La classe politique actuelle, depuis plus de trente ans qu’elle est au pouvoir, manie la même rhétorique en cas de crise qui la met en demeure de lâcher les rênes.
Il faut rappeler que le cardinal Emile Biayenda, archevêque de Brazzaville, patriote confirmé et fin tacticien en matière de relations Eglise-Etat sous le régime du monopartisme servit de bouc-émissaire aux luttes de pouvoir au sein du PCT : le 22 mars 1977, il fut assassiné, quatre jours après l’assassinat du président de l’époque, Marien Ngouabi.
L’assassinat du cardinal Biayenda fut préparé avec l’aide de la presse à la solde de militaires et de membres du parti unique au pouvoir : en effet, la radio et la télévision avaient, aussitôt après l’assassinat du président, accrédité la thèse que le cardinal Biayenda n’était pas étranger à ce crime ; qu’il aurait « mystiquement neutralisé » le pouvoir de Marien Ngouabi. Voici ce que l’on entendait en substance, toutes les trente minutes, depuis le 19 mars 1977 sur les ondes de la Voix de la Révolution congolaise (la radio nationale) : « Le Président Marien Ngouabi a été assassiné…La dernière personne qu’il a reçue en audience est le cardinal Emile Biayenda… ». Le 22 mars, la pratique du bouc-émissaire porte ses fruits : le cardinal Emile Biayenda est assassiné.
Autres temps, mêmes mœurs
Encore en vie et plusieurs, parmi eux, encore au pouvoir, les protagonistes et les acteurs de cette « chronique d’une mort annoncée » jouissent d’une totale impunité.
La désignation du cardinal Biayenda comme « éminence grise » dans l’assassinat du président Ngouabi leur servit de paravent pour s’emparer du pouvoir et se prévaloir du titre de garant de la paix au Congo. Voudraient-ils rééditer leur funeste besogne sur la personne de Mgr Portella Mbuyu qu’ils ne s’y prendraient pas autrement que de la manière dont leurs chiens d’attaque, ces journalistes-mercenaires et zélateurs à la plume d’autant plus acérée qu’ils sont arrosés de millions de francs dilapidés sur les deniers publics, s’acharnent sur Monseigneur Portella Mbuyu qui, en tant qu’évêque du diocèse de Kinkala, ne peut pas faire autrement que demander la paix et la sécurité pour les hommes, les femmes et les enfants dont il est le pasteur.
Douter de la crédibilité des résultats de la dernière élection présidentielle comme l’a fait Monseigneur Portella Mbuyu n’est pas une entorse à la vérité ni un coup fatal au bon fonctionnement de la démocratie. A charge pour ceux qui ont publié ces chiffres d’en prouver la véracité aux 92% des électeurs congolais (mis à part les 8% ayant voté pour Sassou-Nguesso) qui se désolent que des truands les aient dépossédé de leur victoire.
Connaissant la fourberie du clan au pouvoir, je crains que la reconnaissance du choix de la majorité (Guy Brice Parfait Kolélas et Jean-Marie Michel Mokoko) ne soit repoussée aux calendes grecques.
Il faut aussi et surtout que les chrétiens et les hommes de bonne volonté veillent au grain pour que Monseigneur Portella Mbuyu ne soit pas victime des machinations machiavéliques du pouvoir qui est décidé à étouffer toute voix qu’il juge dissonante dans son orchestration éhontée de la tricherie électorale, car les mœurs politiques n’ont pas évolué depuis 1977.
Le pape François ne désavoue pas Monseigneur Portella Mbuyu
Le cœur de mon propos est de dire à ce qui ne le savent pas et à ceux qui pourraient l’avoir oublié que Monseigneur Louis Portella Mbuyu, en sa qualité d’évêque de l’Eglise catholique, a le droit, et même le devoir de parler comme il l’a fait, car contrairement à ce que pensent et disent ceux que ses prises de parole émoustillent, un évêque n’est pas fait pour gérer seulement les affaires cultuelles.
L’Eglise revendique et assume une mission de salut dans l’espace public. Monseigneur Portella Mbuyu n’est ni un extraterrestre, ni un évêque atypique, encore moins une brebis galeuse. Au contraire, il est, à l’exemple du Christ, le bon berger, celui qui prend soin de ses brebis dont il connaît les souffrances.
Ils sont nombreux de par le monde, ces pasteurs qui, comme Monseigneur Portella Mbuyu, sont le poil à gratter des institutions sociales et publiques en vue de promouvoir la justice et la paix : le Cardinal Christian Tumi, au Cameroun, le cardinal Laurent Mossengwo en RDC, pour ne parler que de ceux qui sont plus proches de nous.
Comme eux, Monseigneur Portella Mbuyu n’est pas un héros. Il ne fait qu’obéir à l’une des dimensions inaliénables qui guide les pasteurs dans leur charge auprès du peuple.
Cette dimension est la Doctrine sociale de l’Eglise dont François, l’actuel Pape, livre quelques pans dans son Exhortation Apostolique « EVANGELII GAUDIUM » (La joie de l’Evangile) faite le 24 novembre 2013. En voici deux extraits :
Par.182 « …Les pasteurs… ont le droit d’émettre des opinions sur tout ce qui concerne la vie des personnes, du moment que la tâche de l’évangélisation implique et exige une promotion intégrale de chaque être humain. On ne peut plus affirmer que la religion doit se limiter dans la sphère privée et qu’elle existe seulement pour préparer les âmes pour le ciel. Nous savons que Dieu désire le bonheur de ses enfants, sur cette terre aussi, bien que ceux-ci soient appelés à la plénitude éternelle, puisqu’il a créé toutes choses « afin que nous en jouissions » (1 Tm 6, 17), pour que toute personne puisse en jouir… »
Par.183 « En conséquence, personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les citoyens… Bien que « l’ordre juste de la société et de l’Etat soit un devoir essentiel du politique », l’Eglise « ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice » Tous les chrétiens, et aussi les pasteurs, sont appelés à se préoccuper de la construction d’un monde meilleur… »
Ce que j’ai découvert à la lecture de ce document de la plus haute autorité de l’Eglise catholique c’est que cette religion n’est pas l’opium du peuple mais un ferment pour une société plus juste, où est respecté tout être humain, quelles que soient sa race, sa condition sociale, ses opinions religieuses ou politiques.
Théophile BIANTUADI