À l’instar de la plupart de leurs compatriotes, les populations du Kouilou profitent peu ou pas du tout de l’exploitation de leurs ressources naturelles. La faute en grande partie au non-respect par des entreprises, des cahiers de charges, un des piliers importants de la nouvelle gouvernance forestière en œuvre au Congo.
Une équipe de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH) a sillonné du 20 au 25 mars derniers six villages du département du Kouilou. Il s’agit de Manzi et Louvoulou dans le district de Kakamoeka, de Doumanga dans le district de Mvouti, de Ntombo dans la sous-préfecture de Hinda, de Yanika et Longo-Bondi dans la sous-préfecture de Madingo-Kayes.
Cette tournée s’inscrit dans le cadre du Programme norvégien pour le climat et la sauvegarde des forêts tropicales (NICFI, Norway’s International Climate and Forest initiative en anglais) que l’ONG congolaise de défense et de promotion des droits humains exécute avec l’appui technique de son partenaire FERN et grâce au soutien financier de l’Agence norvégienne de développement (NORAD).
Lancé en décembre dernier dans le département de la Lékoumou, ce projet d’une durée de cinq ans est intitulé « utiliser les politiques européennes pour protéger les droits (des riverains d’exploitation forestière, NDLR) et réduire la déforestation mondiale ». Il vise essentiellement à informer, sensibiliser et former les CLPA à l’effet de les doter d’outils nécessaires pour défendre et faire valoir leurs droits de manière active et efficiente à une gestion durable de leurs ressources.
Les CLPA mises à l’index
Et parmi ces outils de défense des droits des communautés, figure en bonne place le cahier des charges. Citant les textes congolais dont da loi 33-20 du 8 juillet 2020 portant code forestier, Fabrice Séverin Kimpoutou, chargé de la recherche à la RPDH a, dans sa communication, expliqué que « le cahier des charges contient l’ensemble des obligations qu’une entreprise est tenue de remplir afin de participer au développement de la communauté où elle exerce ou puise ses matières premières ». Et il ne peut s’élaborer sans que les CLPA ne soient associées ».
Malheureusement, à en croire de nombreux habitants du Kouilou, le cahier des charges n’est souvent pas respecté. À plus forte raison, les CLPA ne sont pas associées dans leur élaboration. « On ne sait même pas à quel moment ils conçoivent ces documents », ironise Antoine Nzassi du village Louvoulou. « Cela veut dire que nous ne sommes pas mis à contribution lors de la conception des cahiers des charges », déduit Alexandrine Foutou du village Ntombo.
Pour la direction départementale de l’économie forestière du Kouilou, les CLPA sont bel et bien associées à l’élaboration des cahiers des charges. Mais d’autres sources proches de l’institution nuancent que le grand problème se pose au niveau de l’application des clauses contenues dans les cahiers des charges.
« Voici ces documents. Celui-ci, c’est une note de service déployant une équipe pour le suivi du cahier des charges. Celui-là, c’est une injonction faite à une entreprise pour qu’elle respecte ses engagements contenus dans le cahier des charges. Cela veut dire qu’on travaille quand même. Mais la tâche est très difficile », explique la source qui n’a pas voulu s’exprimer de manière officielle faute « d’autorisation de la hiérarchie ».
« C’est symptomatique des pesanteurs politiques de toutes sortes, car ces sociétés appartiennent parfois à de hautes autorités. Il y a donc là, un relent de corruption, de trafic d’influence et de bien d’autres antivaleurs », explique Franck Loufoua-Bessi, chargé des programmes au sein de la RPDH.
« Plus jamais sans le cahier des charges »
Et dans un tel contexte, le recours à la loi devient la seule parade à ces illégalités et crimes de gouvernance. « Au cas où il y a une nouvelle société, n’acceptez plus que les cahiers de charges soient élaborés sans vous. Il est temps pour vous d’ouvrir les yeux. Dites-leur désormais que c’est le code forestier qui y oblige. Donc, désormais, plus jamais sans cahier des charges », a instruit Fabrice Séverin Kimpoutou.
Mais « au cas où quelque société s’entête ? ». Il suffira d’appeler la RPDH, conseille encore M. kimpoutou. « À la RPDH, nous avons un outil dénommé Centre d’assistance juridique et d’action citoyenne (CAJAC). C’est un mécanisme de lutte et de dénonciation des cas de corruption ou de trafic d’influence », rassure Marcel Dongassa, chargé de la mise en œuvre du CAJAC.
Au-delà de ces assurances, l’appropriation des enjeux par les CLPA des nouveaux paradigmes de la nouvelle gouvernance forestière, climatique et minière reste un véritable défi, pas des moindres, à relever. La sensibilisation et la formation constituent ainsi de grands enjeux pour l’État congolais.
Lui qui, à travers ses politiques souvent saluées à l’échelle internationale fait feu de tout bois pour se conformer obligations et devoirs planétaires liés au climat (maintien de la température en deçà de 2°) et exigences d’outils internationaux dont le Congo est partie prenante, comme l’APV/FLEGT et la Lettre d’intention de l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI). L’enjeu est donc de taille.
John Ndinga-Ngoma