Paix et Droits de l'homme

Combattre l'injustice et l'arbitraire pour construire la Paix

14 juin 2017

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Réaction aux propos de M. Fall, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique centrale

Les associations de promotion, protection et défense des droits de l’Homme signataires de la présente déclaration et membres de la campagne Tournons la Page-Congo, préoccupées par la situation sécuritaire et humanitaire en République du Congo et particulièrement dans le Département du Pool, s’insurgent contre les propos tenus sur Radio France International (RFI) le 08 juin 2017 par M. François LOUNCENY FALL, représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique centrale.

En effet, répondant à la question de RFI : « De nombreux témoignages de déplacés, de nombreux déplacés font état d’exactions commises par les partisans du Pasteur Ntumi, mais aussi et surtout par les forces armées congolaises. J’imagine que ça vous interpelle ?». Monsieur François LOUNCENY FALL a répondu:

Sur ce plan, nous avons lu beaucoup de rapports venant des ONG. Il nous est très difficile de confirmer ou d’infirmer […].
Et le gouvernement devrait aussi beaucoup plus communiquer sur la situation du Pool, et non pas laisser les ONG seulement dire ce qu’elles veulent.

Tournons la Page-Congo dénonce cette formulation injurieuse envers les organisations indépendantes de la société civile congolaise, formulation qui révèle le mépris du travail sérieux, des risques encourus et des efforts fournis dans un contexte difficile, pour mettre fin aux souffrances et aux violations des droits humains au Congo. En outre, Tournons la Page-Congo estime que cette prise de parole est révélatrice de la légèreté avec laquelle la communauté internationale considère la situation qui prévaut actuellement dans le Département du Pool.

Tournons la Page-Congo rappelle que les rapports des ONG sur les exactions commises dans le Pool résultent bel et bien de témoignages concordants recueillis auprès de populations prises en étau dans les zones de conflit, et s’inscrit en faux contre l’opinion qui considère que les ONG disent « ce qu’elles veulent ». Ces témoignages recueillis sur le terrain, par téléphone et auprès de rescapés ou de leurs familles font état d’exactions commises par les forces gouvernementales, dont des exécutions sommaires, des actes de torture, des viols, des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions forcées etc. De plus, ce constat ne concerne pas seulement les zones de conflit mais aussi les quartiers sud de Brazzaville ainsi que Pointe-Noire, où des rafles de jeunes sont opérées par la force publique sur la base de leurs origines ethniques ou du délit de faciès, qui les assimilent ainsi à des pseudos ninjas, appellation attribuée aux rebelles. Des enlèvements en échange de rançons sont également constatés de manière récurrente. Ces actes ont donné lieu à des dénonciations de la société civile sans pour autant que le gouvernement ou la justice ne daignent apporter des réponses adéquates à ces interpellations. Au contraire, le gouvernement appelle sans cesse la société civile à condamner uniquement les agissements attribués aux ninjas, et refusent dans le même temps d’autoriser la venue d’une mission d’observateurs indépendants dans le département du Pool.

Dans le même entretien, M. LOUNCENY FALL affirme que les Nations Unies ont « fortement » encouragé l’opposition à participer aux élections législatives qui doivent se tenir le 16 juillet 2017. Tournons la Page-Congo s’étonne de cette prise de position, alors que ce scrutin se tiendra dans un environnement démocratique encore plus dégradé que lors de l’élection présidentielle de 2016, qui ne réunissait pas les conditions d’un scrutin libre et transparent selon l’avis de la communauté internationale. De même, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique centrale semble systématiquement défendre les initiatives gouvernementales telles que les « dialogues » sans prendre en compte le contexte réel de restrictions des libertés. Cette posture traduit au mieux une méconnaissance des réalités congolaises, et au pire, une complaisance à l’égard des régimes autoritaires. Aucun des dialogues successifs  auxquels se réfèrent M. LOUNCENY FALL n’a abouti à une avancée significative sur le plan démocratique, et dans leur forme actuelle, ces réunions ne peuvent pas être considérées comme des moteurs de progrès. La refonte totale du fichier électoral et la mise en place d’une commission électorale véritablement indépendante constitueraient en effet les réformes de fond indispensables à toute amélioration du processus électoral, comme Tournons la Page-Congo l’a toujours recommandé à plusieurs reprises.

Ainsi, en dépit des appels à un véritable dialogue des ONG au regard de la dégradation de l’environnement social, économique et politique du Congo, la communauté internationale semble ne pas être particulièrement motivée à apporter sa médiation afin de mettre un terme aux exactions, enlèvements, et séquestrations, arrestations arbitraires que subissent les populations actuellement. Tournons la Page – Congo exprime sa profonde inquiétude à l’égard de ces propos qui mettent directement en danger les défenseurs des droits de l’homme, et qui renforcent le contexte de dénigrement de la société civile indépendante. Comment une organisation internationale garante de la démocratie et des droits de l’homme peut-elle aveuglément prendre de telles positions, sans mesurer les conséquences pour la liberté d’expression dans les pays concernés ?

Tournons la Page-Congo enjoint le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique centrale à mesurer la gravité de ses propos et prient les institutions nationales et internationales ainsi que les organisations internationales de défense des droits de l’Homme de bien vouloir intervenir d’urgence pour garantir la paix et le dialogue au Congo Brazzaville.

Pour les OSC congolaises, membres de la Campagne Tournons La Page

Action Evangélique pour la Paix (AEP)
Pasteur Samuel Boukambou

Cercle des Droits de l’Homme et de Développement (CDHD)
Roch Euloge NZOBO

Commission Diocésaine Justice et Paix de Pointe Noire (CDJP)
Brice MACKOSSO

Commission Episcopale Justice et Paix (CEJP)
Abbé Félicien MAVOUNGOU

Fondation Niosi
Samuel NSIKABAKA

La Conscience Libre
Wilfried KIVOUVOU

Mouvement pour la Culture Citoyenne
Anthyme BAYIMINA

Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH)
Trésor NZILA KENDET

Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH)
Christian MOUNZEO

Plate forme pour le respect de la Constitution du 20 janvier 2002
Alex DZABANA WA IBACKA

Réseau d’Association des Jeunes Leaders Congolais (RAJLC)
Me Welcom NZABA

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