De nombreux efforts attendus des pouvoirs publics pour améliorer l’exercice du droit au travail au Congo !
Le travail assure l’indépendance, il est le pilier de la vie de l’homme. C’est ce qui a établi dans la conscience universelle ce constat en 1919 : « il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger », les Etats signataires du Traité de Versailles ont ainsi créé l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui, à son tour, a conçu un système de normes internationales du travail (NIT) couvrant toutes les questions liées au travail, des conventions et recommandations internationales élaborées qui ont pour but d’améliorer les conditions de travail et de vie des citoyens du monde.
De même, l’article 23 alinéas 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations Unies adoptée en 1948 dispose : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et la protection contre le chômage ». Dès lors, aucun Etat membre des Nations Unies ne saurait se soustraire des obligations découlant de cette déclaration qui devient, du coup avec les normes internationales du travail (NIT), le socle des revendications des droits des travailleurs.
La République du Congo a adhéré à la majorité des instruments internationaux en matière de droit du travail, dont les plus importants sont la Convention n°87 de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et la Convention n°98 de 1949 sur le droit d’organisation et de négociation collective. Aux termes de l’article 30 de la Constitution du 06 Novembre 2015 : « L’Etat reconnaît à tous les citoyens le droit au travail et crée les conditions qui rendent effective la jouissance ». La liberté syndicale est garantie par l’article 32 de la Constitution du 06 Novembre 2015, ainsi que par la loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d’association. Tous ces textes disposent que tout citoyen congolais a le droit de créer un syndicat, des associations et d’y adhérer. La loi n° 45-75 du 15 mars 1975, instituant le code du travail au Congo considère comme travailleur, quels que soient son sexe et sa nationalité, toute personne qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une autre personne, physique ou morale, publique ou privée.
Malgré cette consécration normative, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH) constate avec regret les violations permanentes des droits des travailleurs. La crise économique dont fait face le pays n’a fait qu’accentuer la situation déjà précaire des travailleurs.
Par exemple, dans les entreprises, de nombreux licenciements sont signalés en violation des procédures. En effet, les employeurs procèdent par des licenciements économiques sans qu’un auditeur n’ait déclaré l’insolvabilité de l’entreprise. La RPDH a enquêté sur le cas de Monsieur MAKITA LEWIS, ex travailleur de la société AMS Compagnie qui avait été licencié d’une manière irrégulière et abusive ayant pourtant un contrat à durée indéterminée, la société l’a licencié pour cause économique et n’a pas bien calculé ses droits, et par la suite avec le concours de la RPDH , ce dernier a obtenu gain de cause. Avec la chute des prix du pétrole, les compagnies pétrolières réduisent les effectifs de travailleurs, de façon illégale. Plus de 16000 pertes d’emplois ont été notées depuis la crise du pétrole, selon les données de la Confédération Syndicale des Travailleurs Congolais (CSTC). Cette baisse a entrainé un déséquilibre même dans les autres secteurs n’ayant aucun lien avec le pétrole, notamment les secteurs du bâtiment et du commerce. En outre, de nombreux citoyens travaillent sans contrat, et à cause de cela, ils sont exposés à tous types de maltraitance vis-à-vis de leurs employeurs (travail dans de mauvaises conditions, pas de salaires proportionnels à la prestation fournie, des heures supplémentaires non payées…). C’est le cas de mademoiselle KOKOLO Gracia qui a travaillé pendant une année sans contrat dans la société MBTP, une entreprise de travaux publics et bâtiment. N’ayant plus besoin de ses services, la directrice des ressources humaines tenterait de la renvoyer en lui suggérant de démissionner dans la perspective d’un départ négocié. Mademoiselle KOKOLO a bénéficié d’une assistance juridique de la RPDH et, cette dernière occupe toujours son poste jusqu’à ce jour, en dépit des contraintes et pressions dont elle fait l’objet.
Les greffes du Tribunal du travail de Pointe-Noire témoignent des procédures de licenciement irrégulier et abusif, les décisions sont rendues en faveur des plaignants mais il n’y a aucune mesure prise pour contraindre les employeurs à exécuter les décisions des tribunaux. Le cas de mademoiselle FLORE BARROS en est une illustration parfaite.
Au niveau de la fonction publique, la loi reconnait au fonctionnaire le droit de concourir pour son avancement et le changement de catégorie, mais constat fait, ces concours sont privilégiés et réservés à certains et pas à d’autres, ceci laisse clairement entendre l’absence d’égalité de chance au sein de la fonction publique. Récemment encore, les douaniers ont fait grève pour cause de nomination aux postes de cadres supérieurs de certains agents moins gradés, ces derniers ont été rétrogradés. Dans le secteur de l’enseignement primaire et secondaire, on peut noter une grogne des enseignants vacataires et prestataires réclamant leur intégration à la fonction Publique.
Au mois de Mars 2017, les agents de l’hôpital de Loandjili sont entrés en grève pour cause de salaires impayés. Selon les propos recueillis auprès de Monsieur ENGONDO Norbert, secrétaire général de la CSTC, « c’est comme si vous êtes dans un couple, vous avez mis au monde un enfant et que vous êtes incapable de vous en occuper ». Monsieur ENGONDO a soulevé le fait qu’il n’y ait pas de communication entre la Direction de l’hôpital et le corps médical, et le Conseil d’administration se tient difficilement. Depuis 12 ans, plusieurs travailleurs n’ont pas d’avancement et ceux qui doivent aller à la retraite n’ont pas de dossier complet. Un des syndicalistes de l’hôpital a décrété un autre avis de grève pour les jours à venir, car le problème n’est toujours pas résolu, il a été interpelé et conduit à la DDST (direction départementale de la surveillance du territoire) pour incitation à la grève puis il a été relâché.
Les agents des mairies de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Nkayi et Mossendjo ont fait grève pour cause de plusieurs mois de salaires impayés. Le Chemin de Fer Congo Océan(CFCO) aujourd’hui, se retrouve dans une situation où les salaires ne sont plus payés et l’on se pose la question sur la situation à venir de cette compagnie. Celle des retraités, demeure préoccupante ; ils ont cotisé à la CNSS durant toute leur activité et l’Etat congolais est incapable de payer leurs pensions.
Par ailleurs, les salaires des fonctionnaires sont insignifiants par rapport au coût de la vie, ce qui pourrait expliquer, voir justifier la corruption systématique au sein de a fonction publique.
De plus, il est peu évident de témoigner, si ce n’est d’évaluer l’impact de politique d’employabilité pouvant permettre aux jeunes sortis des universités de trouver un emploi en fonction de leur compétence, alors que la Déclaration universelle des droits de l’homme promeut la protection contre le chômage. On peut affirmer de cette manière sans risque de se tromper que le gouvernement a une responsabilité manifeste face au taux élevé de chômage, au regard notamment de l’article 30 de la Constitution du 06 novembre 2015.
La Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme estime que le travailleur congolais doit porter un nouveau regard sur la journée du 1erMAI, que cette journée ne soit pas seulement une journée de célébration mais celle de revendication des droits.
A la lumière de ce qui précède, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme émet des recommandations suivantes vis-à-vis des pouvoirs publics afin d’améliorer l’exercice du droit au travail au Congo:
– Exiger aux entreprises privées de faire signer des contrats à leurs employés ;
– Mettre en place une politique d’accompagnement garantissant l’emploi aux jeunes à la fin de leurs études ;
– Améliorer le traitement des retraités ;
– Instaurer des mesures disciplinaires envers des employeurs qui se livreraient aux actes de maltraitance de leurs employés ;
– Garantir la liberté syndicale et le droit de grève, conformément aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Constitution du 06 novembre 2015;
– Respecter et mettre en œuvre les dispositions sur le droit au Travail contenues dans les instruments internationaux relatifs aux Droits de l’homme.
Fait à Pointe-Noire, le 1er mai 2017