La Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH) exprime sa vive préoccupation face à la recrudescence de mauvais traitements et des décès en détention au Congo. Le droit à la vie est ainsi ôté à plusieurs personnes à la suite de pratiques condamnables des forces de l’ordre, dans des lieux de détention officiels. Ces décès, injustifiés et inacceptables dans tout Etat de droit, appellent de la part des autorités et des services habiletés, des actions urgentes afin de faire la lumière sur ces atteintes à l’intégrité physique et que les potentiels auteurs de ces crimes soient traduits devant les juridictions compétentes et répondent de leurs actes. Ces atteintes graves au droit à la vie, souvent survenues dans le contexte de la détention, rappellent encore si besoin était, une pratique courante et systématique de la torture comme moyen utilisé par la force publique au Congo, en vue de punir ou d’obtenir des aveux de la part d’éventuels suspects. Ce qui par ailleurs viole le principe de la présomption d’innocence.
Il importe donc pour les autorités nationales de prendre des mesures urgentes et efficaces soient prises en vue de renforcer la responsabilité des éléments de la force publique, dans la perspective d’améliorer son souci et sa pratique du respect des droits et de la dignité de la personne humaine.
Des cas suivis :
- Dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 avril 2016 à 4h du matin au « Selfie Club « , boite de nuit située dans le 1er Arrondissement E. P. LUMUMBA de Pointe-Noire – à proximité du Camp 31 juillet, un client, accompagné de deux (02) jeunes femmes, s’est retrouvé seul à la terrasse de ladite boite en état d’ivresse, revendiquant la perte de deux passeports et d’une somme de 130.000 FCFA. C’est ainsi que le client a indexé le vigile du Selfie Club, Alfred MALANDA, se trouvant alors à l’intérieur du Club au moment des faits; ce dernier a décliné toute responsabilité dans la perte des objets susmentionnés. Ce client, malgré la saisine des agents du Commissariat de Police de Lumumba, est tout de même revenu au Selfie Club en compagnie d’éléments des Forces Armées Congolaises (FAC) relevant de l’Etat major militaire de Pointe-Noire, qui ont procédé à l’interpellation brutale du vigile suscité et de l’agent de sécurité du bâtiment, Déo DJONGA. Les informations reçues ont fait état d’intenses actes de torture infligées aux deux individus par les militaires, entre 6h et 9h du matin du 22 avril. Si la sentinelle, Déo DJONGA, a été libérée, son compagnon d’infortune Alfred MALANDA connaîtra un sort différend car il décèdera le même jour à l’Etat major des suites de ses blessures. Son corps sera déposé à la morgue de Pointe-Noire et présenté comme étant celui d’un « braqueur ». Ces mêmes militaires sont revenus auprès du gérant de la Boîte de nuit, exiger le paiement des sommes de 130.000 FCFA et 20.000 FCFA de carburant pour leur véhicule. La RPDH souligne que, Alfred MALANDA, jeune congolais ressortissant du département du Pool, arrivé à Pointe-Noire à l’âge de 11 ans, avait perdu ses parents lors des événements liés aux conflits que le pays a connu durant les années 1998 et 1999 dans ledit département. Décédé à environ 27 ans et sans famille, les éléments des forces armées impliqués dans les faits auraient interdit au gérant de la boîte de nuit Selfie Club, d’organiser une quelconque veillée à la mémoire du défunt.
- Monsieur Blaise Zacharie TCHICAYA, électricien congolais âgé de 48 ans et père de deux enfants, a été interpellé le samedi 16 avril 2016 pour abus de confiance, avant d’être détenu au commissariat de police de Vindoulou dans le 4ième arrondissement Loandjili de Pointe-Noire. Il est décédé dans des conditions non encore élucidées à ce jour, après six (06) jours de garde à vue dans les geôles dudit commissariat, en violation flagrante de la procédure prévue en la matière. Sa dépouille portait de stigmates de violence, confortant ainsi l’idée selon laquelle le décès est bien lié à des actes de torture, selon les informations et témoignages recueillis. Ce décès survenu dans un commissariat de police confirme la dure réalité de l’univers carcéral congolais et pose le problème du non respect par le Congo, de ses engagements internationaux en terme de respect de la dignité des personnes privées de liberté, souvent victimes de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants de la part des agents de sécurité.
- La RPDH a été informée du décès à Madingou dans le département de la Bouenza, le 26 avril 2016, du jeune NGUEMBO OLAMBI Mignon Japhet, né le 06 Janvier 2001 et élève en classe de 4e, abattu en pleine rue par un policier du commissariat de Madingou-Gare, venu s’enquérir des faits liés à une altercation survenue quelques jours plus tôt entre le garçon et une jeune fille de la localité. Blessée par balle, la victime a succombé de ses blessures quelques heures plus tard dans un camp militaire situé à Nkayi, en attendant un hélicoptère devant l’évacuer vers un centre spécialisé. Le policier, qui a admis avoir commis une bavure, serait entre les mains de la justice. La famille demeure dans l’attente de la suite du traitement de cette affaire par les autorités judiciaires compétentes, Nguembo Olambi a été inhumé à Madingou le mercredi 04 mai 2016.
- Dans la nuit du 23 au 24 avril 2016, BATOLA Artie Chefatya Jonnick, âgé de 23 ans, a trouvé la mort après qu’une patrouille des forces de l’ordre ait ouvert le feu sur un groupe de jeunes. Il se trouvait alors avec des amis dans une buvette située au quartier Moulembo, dans le 3e Arrondissement Tié-tié de Pointe-Noire. L’enterrement s’est effectué le 7 mai 2016 à Pointe-Noire. Pendant que les parents du défunt achevaient les formalités administratives à la morgue, ils ont été approchés par les services de sécurité qui leur demandaient de « signer un document » afin d’annuler toute poursuite contre les auteurs de ce crime. Les parents attendent toujours que les circonstances du décès soient élucidées notamment en ce qui concerne les motivations qui ont conduit la force publique à tirer à balles réelles et de manière délibérée sur des jeunes non armés.
Conclusion et recommandations
La RPDH rappelle que le Congo est partie aux différents instruments internationaux de promotion et de protection des droits de l’homme. Il a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Cette volonté de promouvoir et défendre les droits de l’homme est aussi manifeste dans la législation interne dont la loi fondamentale du 06 novembre 2015, qui intègre dans son préambule les dispositions relatives à la Déclaration universelle des droits de l’homme, et consacre un titre entier, en l’occurrence le titre II, aux droits et libertés fondamentaux. Cet état de fait démontre que les pratiques suscitées ne peuvent avoir leur place dans un pays qui fait du respect des droits de l’homme une de ses priorités fondamentales. Il convient à ce titre d’engager les démarches nécessaires pour mettre un terme à l’impunité qui caractérise les auteurs de ces actes répréhensibles et garantir une force publique qui rassure et demeure au service des citoyens.
Face à ces situations dramatiques déniant aux personnes humaines leur fondamental droit à la vie et à la dignité humaine, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme voudrait attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur la nécessité d’œuvrer en faveur d’un Etat de droit au Congo et recommander:
Aux autorités judiciaires :
– Ouvrir une enquête afin d’établir les circonstances de ces décès et engager des poursuites judiciaires à l’endroit des auteurs de ces crimes conformément aux lois en vigueur ;
– Effectuer de manière systématique des visites régulières des Commissariats de police afin de prévenir les gardes à vue abusives ;
– Veiller aux atteintes à l’intégrité physique et morale des personnes en garde à vue dans les commissariats de police.
Au Gouvernement :
– De lutter contre l’impunité des auteurs de violations des droits de l’homme et de veiller, en toutes circonstances, au strict respect des engagements internationaux en matière des droits de l’homme, notamment la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants ratifiée par le Congo en 2003 ;
– De procéder aux indemnisations justes et régulières des familles endeuillées ;
– De respecter les droits et libertés fondamentaux garantis dans la Constitution.
Fait à Pointe-Noire, le 09 juin 2016
Brazzaville-Pointe-Noire, le 9 juin 2016
Le Bureau Exécutif
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