Brazzaville – Pointe Noire, le 07 août 2014. Depuis l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, l’éducation fait partie des droits fondamentaux de tout être humain. C’est ainsi que l’article 26 de la Déclaration dispose que : « Toute personne a droit à l’éducation… ». Ensuite, la Convention relative aux droits des enfants de 1989 dispose en son article 28 que : « Les Etats-parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit, progressivement et sur la base de l’égalité de chances, ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ». Parallèlement, le rôle déterminant de l’éducation dans le processus de développement fait l’objet d’un consensus de la communauté internationale. Les politiques d’éducation dans les pays en développement reposent sur deux grands programmes à savoir, d’une part le programme Education Pour Tous (EPT) mis en place en 1990 lors de la conférence mondiale sur l’éducation de Jomtien (Thaïlande) et renouvelé en 2000 lors du Forum de Dakar et d’autre part, les Objectifs du Millénaire pour le Développement adoptés en 2000 intégrant huit objectifs à atteindre dont deux liés à l’éducation. Il s’agit d’atteindre à l’horizon 2015 l’éducation primaire pour tous avec un accès égal entre les sexes.
La République du Congo reconnaît le droit à l’éducation dans la constitution de 2002, l’article 23 l’exprime clairement : « Le droit à l’éducation est garanti… ». En outre, conscient du rôle de l’éducation dans le développement économique et social, le gouvernement congolais fait de l’éducation un des secteurs prioritaires. La part importante du budget de l’Etat alloué à l’éducation depuis quelques années en est la preuve. D’après le Plan National de Développement (PND) 2012-2016, les crédits alloués au système éducatif représenteront 11,67% du total des dépenses en 2016 contre 8,16% en 2012, soit une orientation à la hausse de 3,5 points. Pourtant, la RPDH estime que les budgets ainsi affectés n’ont aucun impact sur la réalité de l’éducation au Congo, soit parce que les montants affectés n’atteignent pas les cibles visées, soit parce que les dits budgets sont mal utilisés.
Malgré les efforts déployés en faveur de l’éducation, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme constate que d’énormes gravités du dysfonctionnement du système éducatif sont relevées. Ces problèmes se rapportent aux établissements, personnels enseignants et aux programmes. L’offre éducative s’apprécie à travers la scolarisation, l’état des infrastructures, l’effectif du personnel enseignant et la qualité de l’éducation.
Le taux de scolarisation, de survie à l’école, et d’alphabétisation indiquent le niveau de scolarisation au Congo. Selon le rapport national des progrès vers l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement d’avril 2010, le taux net de scolarisation au primaire qui est parti d’un niveau très appréciable de 90,6% en 1990 et après une baisse importante du fait des conflits que le pays a connus vers la fin des années 1990, a entamé un redressement depuis 2005 de 72% pour atteindre 82% en 2008. De même, le taux d’achèvement du primaire a également connu une évolution. Ainsi, il est passé de 62,3% en 1990 à 77% en 2008, après avoir connu une forte baisse vers la fin des années 1990. Ce taux d’achèvement indique que l’efficacité du système est relativement faible, puisque presque un quart des enfants ne finit pas le cycle primaire et se retrouve ainsi dans une situation très défavorable à un retour à l’analphabétisme.
Que ce soit au niveau primaire, secondaire ou universitaire, les problèmes d’infrastructures se posent avec acuité. Les besoins en infrastructures sont énormes. Au plan des établissements, les salles de classe sont pléthoriques et ne permettent pas aux enseignants de mieux dispenser les cours, dans certains établissements secondaires, les élèves sont assis à même le sol ; tandis que dans le secteur privé, l’école s’implante en toute confusion d’espace et de lieu.
Sur le plan professionnel, la mauvaise rémunération des enseignants les oblige à jouir d’un statut bipolaire, celui de fonctionnaire et de prestataire dans le secteur privé. De même, il est désormais courant que nombre d’enseignants « rançonnent » littéralement les élèves sous couvert de « cours de mise à niveau », c’est-à-dire d’enseignements dispensés en dehors des heures officielles, facturés entre 5.000 et 10.000 FCFA. Au plan des programmes, ceux-ci ne sont pas achevés occasionnant ainsi autant d’échecs des élèves aux différents examens d’Etat.
A cela s’ajoute le fléau de corruption dans le domaine de l’éducation. Le problème de corruption se pose tout d’abord dans l’enseignement primaire et secondaire. On la rencontre surtout à la rentrée, lors des inscriptions, et plus tard, lors des examens d’Etat. Au cours des inscriptions, tout commence par une pénurie artificielle des places dans les salles de classe, l’on fait croire aux parents que les salles sont pleines. A cet effet, des montants exorbitants sont demandés aux parents d’élèves. La corruption renaît aussi de plus belle lors des examens d’Etat ; des centres appelés « laboratoires » sont mis en place autour des établissements afin de traiter les sujets des examens au profit de certains élèves.
Au niveau universitaire, la corruption est présente, surtout dans le domaine des notes et dans le domaine des bourses. Il ya des professeurs qui n’hésitent plus à échanger des notes contre des faveurs sexuelles auprès des étudiantes, on parle du phénomène des « notes sexuellement transmissibles ». Dans le domaine des bourses universitaires, il se pose le problème d’objectivité dans l’octroi de celles-ci. Malgré les critères d’excellence ou d’indigence qui semblent guider l’octroi ou non des bourses, les bénéficiaires très souvent, et ceci quelle que soit l’université, ne répondent à aucun de ces critères. Le critère qui généralement donne accès aux bourses, c’est l’accointance avec la personne en charge de les accorder.
L’éducation étant universelle, la RPDH souligne qu’il est important d’en améliorer la pertinence et la qualité. Les individus qui ont la chance d’accéder à l’Ecole au Congo ne reçoivent qu’une éducation de moindre qualité. Selon le rapport national sur le développement de l’éducation de 2004, au collège 64% des enseignants ne sont pas qualifiés, contre 32% au lycée. Le taux de redoublement est en général élevé. Au collège, le taux moyen de redoublement varie de 21% à 62%. Le taux de réussite au BEPC et au Baccalauréat n’a jamais atteint 50% depuis plusieurs décennies. A titre illustratif, le taux de réussite au baccalauréat général cette année est de 28,20% contre 17,85% l’année dernière.
L’objectif de l’éducation est aussi communautaire. L’éducation doit mettre l’individu en mesure de contribuer au développement de la société nationale et internationale. L’absence d’éducation ou d’une éducation de qualité limite la participation des individus aussi bien dans le domaine des droits de l’homme que dans les domaines politique, économique et social. L’éducation est l’une des clefs de l’exercice des droits inhérents à la personne humaine. C’est par l’enseignement que l’on apprend aux individus les droits de l’homme ; c’est également par l’enseignement que l’on cultive en eux, des valeurs de fraternité, de tolérance, d’amitié. L’individu qui n’est pas socialement éduqué, ne peut connaître ses droits et devoirs.
Eu égard à ce qui précède et en vue d’améliorer le secteur éducatif, la RPDH recommande au Gouvernement de la République de :
-Se conformer aux dispositions constitutionnelles relatives au respect du droit à l’éducation ;
-Renforcer les capacités humaines, des infrastructures et des équipements du secteur éducatif ;
-Améliorer la qualité de service et les conditions des enseignants ;
-Réduire les disparités entre filles et garçons ;
-Lutter contre la corruption en milieu scolaire ;
-Promouvoir l’éducation aux droits de l’homme ;
-Respecter et mettre en œuvre les dispositions sur le droit à l’éducation contenues dans les instruments internationaux dûment ratifiés par le Congo ;
-Ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
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Christian MOUNZEO
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