Paix et Droits de l'homme

Combattre l'injustice et l'arbitraire pour construire la Paix

26 juin 2014

Déclaration N˚07/2014/RPDH/BE 26 Juin 2014 : Journée Internationale au soutien des victimes de la Torture

Brazzaville – Pointe Noire, le 26 juin 2014. La lutte contre la torture constitue aujourd’hui une des préoccupations majeures de la communauté internationale. Ce phénomène est interdit de manière absolue et sans réserve en droit international, en temps de paix comme en temps de guerre. Cette interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants, est reconnue universellement et affirmée à travers tous les principaux instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme . Elle a été normée de façon qu’aucun Etat ne s’y déroge. La Conférence mondiale des Nations Unies sur les droits de l’homme de juin 1993, l’a réaffirmé dans la Déclaration et le plan d’action de Vienne, en demandant aux Etats de « mettre immédiatement fin à la pratique de la torture et d’éliminer à jamais ce fléau ». La protection juridique internationale rend difficile pour tout Etat de prétendre à un quelconque droit de commettre la torture. Pourtant, la pratique de la torture persiste à l’échelle mondiale et nationale et les victimes rencontrent le plus souvent des obstacles majeurs pour demander réparation et obtenir justice.

La République du Congo a ratifié la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 29 août 2003. En ratifiant cette Convention, le Congo prenait l’engagement de bannir les pratiques de torture sur son territoire. La RPDH constate avec regret que malgré tout, les autorités éprouvent de grandes difficultés à juguler ce fléau, dont sont directement responsables ses agents en mission officielle. En effet, la torture, et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants demeurent constants et banalisés au Congo. La Convention des Nations Unies contre la torture définit cette dernière en son article 1 comme : « Tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonné d’avoir commis, (…) ».

En outre, la Convention contre la torture ne se limite pas qu’à définir la torture. L’article 2 de ladite convention exige à tout Etat partie, de prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres, efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction.

L’article 9 (4) de la Constitution congolaise du 20 janvier 2002 condamne la pratique de la torture en ces termes: «Tout acte de torture, tout traitement cruel, inhumain ou dégradant est interdit ». Cependant, le Congo n’a pas prévu, dans sa législation interne, d’incrimination spécifique en lien avec la torture. Celle-ci est analysée comme circonstance aggravante de l’infraction de coups et blessures.

En général, dans les établissements carcéraux du Congo, notamment les maisons d’arrêt, les commissariats de police et les brigades de gendarmerie, ce phénomène est monnaie courante ; ceci en violation des engagements internationaux du Congo. Ces actes sont commis par des responsables militaires, des agents des services de renseignement, des agents de police. Ils sont le plus souvent perpétrés au moment de l’arrestation, de la garde à vue, de la détention ou lors du transfert des victimes vers les commissariats de police, la maison d’arrêt ou d’autres centres de détention. « La torture pour les agents de la force publique est une pratique normale utilisée pour obtenir des aveux, si ce n’est pour déshumaniser les personnes interpellées. Les victimes subissent en fait déjà une punition avant même le jugement, ceci en contradiction avec le principe de la présomption d’innocence. Avec ces pratiques, la force publique supposée appliquer la loi renvoie aux yeux de l’opinion une image de terreur. », a dit Christian Mounzeo, Président de la RPDH ;

A titre purement illustratif, on peut noter :

A Pointe-Noire, MBOUTOU Gaël est décédé le 18 février 2014, à la suite des coups et blessures volontaires infligés par les agents du Poste de Sécurité Publique (PSP) du quartier Mpaka 120, après une altercation survenue dans le cadre d’une interpellation pour une suspicion de raquet.

Toujours à Pointe-Noire, huit (08) agents du département Matériel & Traction du Chemin de Fer Congo Océan ont été incarcérés du lundi 31 mars au mardi 8 avril 2014 dans un local exigu, dépourvu de couchettes et muni de quelques places assises, au Commissariat spécial de police du CFCO, sis à la gare centrale. Cette détention faisait suite aux accusations de vol de la direction de la compagnie à leur encontre. Les faits n’ont guère été établis en dépit de l’enquête de police et de la procédure judiciaire. Ces détentions arbitraires sont ni plus ni moins que des mauvais traitements assimilables à de la torture psychologique.

Le 1 er août 2012, Mr Mackosso Théodore est mort dans les locaux du commissariat central de police de Pointe-Noire, dans des circonstances encore non élucidées aujourd’hui. Ce cas rappelle les pratiques inhumaines des services de police au Congo. Mr Mackosso Théodore, répondait à une convocation de la police et s’y était présenté en parfaite état de santé physique. Il est sorti de son interrogatoire décédé. Malgré l’autopsie requise par le procureur, les résultats n’ont jamais été rendus publics. Tout laisse penser que cet opérateur économique aurait subi une pression physique et psychologique l‘ayant conduit à la mort. Sur ce cas, comme sur d’autres, la famille a d’énormes difficultés à obtenir réparation et justice.

Les cas suivants cités par l’OCDH dans un rapport datant de 2013 se réfèrent aux mauvaises pratiques policières :

Mr MONGOTO Antoine, arrêté le samedi 20 juillet 2013 à Moukanda, à l’occasion d’une patrouille des forces de l’ordre, a par la suite été retrouvé mort tandis que des témoins ont affirmé qu’il avait été passé à tabac durant son interpellation. Son certificat de décès établi le 29 juillet 2013 par le médecin, directeur départemental de la santé de la Lékoumou, avait conclu à des coups et blessures, ayant entraîné lamort des suites d’un traumatisme crânien grave avec otorragie. La plainte de la famille est demeurée. Monsieur BILL BAKU, ressortissant de la République Démocratique du Congo, a trouvé la mort en date du 6 février 2013 au Commissariat central de police de Brazzaville, des suites d’actes de torture En effet, ce dernier avait été interpellé suite à l’inexécution d’un contrat de réparation d’un poste téléviseur.

L’interdiction de voyage dont sont victimes  Me MBEMBA Jean-Martin, ancien garde des Sceaux et actuel président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et Mr DZON Mathias, ancien ministre des finances et président de l’ARD, parti de l’opposition, rappelle la torture morale et la pression psychologique visant à faire abdiquer ces personnes.

Il convient de relever un dénominateur commun à ces actes de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants, à savoir l’impunité de leurs auteurs. Plusieurs facteurs favorisent cette impunité, notamment la peur des représailles, le manque de soutien des victimes, et surtout la complicité de l’Etat protégeant ses agents.

Par ailleurs, l’absence d’une entité indépendante, chargée d’enquêter spécifiquement sur les actes de torture commis par la force publique aggrave la situation. Les quelques plaintes des victimes de torture sont instruites par les mêmes policiers ou gendarmes, qui en sont les potentiels auteurs. Ils deviennent juge et partie. Nombre de plaintes n’entrainent alors ni poursuites, ni condamnations ; les bavures des policiers ou gendarmes étant couvertes par leurs responsables hiérarchiques. En outre, l’ignorance et le manque de formation des agents des forces de l’ordre expliquent aussi la perpétuation de la torture. L’article 10 de la Convention des Nations Unies contre la torture stipule que : « Tout Etat partie veille à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation du personnel civil ou militaire chargé de l’application des lois, du personnel médical, des agents de la fonction publique et des autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit ». Cette directive n’est pas effective au Congo. Nombreux sont les policiers et gendarmes estimant que de l’obtention d’aveux au moyen de la torture seule, dépend la réussite d’une enquête.

En matière de réparation, la question de l’indemnisation est un dilemme. L’Etat n’a prévu ni de fonds d’indemnisation des victimes de torture ou de mauvais traitements, ni de structures de réhabilitation desdites victimes. De plus, il n’existe aucune politique gouvernementale en termes de réadaptation physique et psychologique des victimes. Pourtant, l’article 14 de la Convention des Nations Unies contre la torture reconnaît à chaque victime le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète. Ces dispositions sont largement ignorées des autorités congolaises.

Eu égard à ce qui précède, en vue de tirer la sonnette d’alarme sur la nécessité de mettre un terme à la pratique de la torture au Congo, la RPDH recommande au Gouvernement de la République de :

–      Garantir l’intégrité physique et psychologique de toutes les personnes victimes de torture par le passé ou dans le présent au Congo Brazzaville ;

–      Prévenir la pratique de la torture au moyen de la sensibilisation au sein de la force publique ;

–      Se conformer aux dispositions de la Constitution du 20 Janvier 2002 et à celles du droit international des droits de l’homme portant sur l’interdiction de la pratique de la torture ;

–      Infliger des sanctions rigoureuses et exemplaires aux auteurs d’actes de torture ;

–      Promouvoir l’enseignement, l’information et la formation des agents des forces de l’ordre aux questions des droits de l’homme, en particulier celles relatives à l’interdiction de la torture ;

–      Lutter véritablement contre l’impunité en garantissant l’indépendance de la justice congolaise et en mettant en place un cadre juridique propice à la prévention et à la répression des actes de torture ;

–      Déployer un programme de soutien, de réparation, d’indemnisation et de réadaptation complète des victimes de la torture au Congo ;

–      Ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture, entré en vigueur depuis le 22 juin 2006.

Fait à Pointe-Noire, le 26 juin 2014

 

Contacts presse : 053583577

–      Franck Loufoua-Bessi, 05 550 45 20

–      Ben Abdoulaye Sy, 05 528 44 59

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