Commémoration sur fond de crise sociale!
Brazzaville – Pointe Noire, le 1er mai 2014. La célébration de la 128e Journée Mondiale du Travail sous le thème « La sécurité et la santé dans l’utilisation des produits chimiques au travail », témoigne de l’engagement international et national quant au soutien en faveur du combat des travailleurs pour le respect de leurs droits et de l’amélioration de leurs conditions de travail. Au-delà des acquis, résultant des victoires que les travailleurs ont pu gagner à travers le monde, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH) entend donner un écho aux préoccupations des travailleurs congolais qui évoluent dans un contexte social difficile.
Cette situation se caractérise essentiellement par le faible pouvoir d’achat des travailleurs, l’absence d’une revalorisation catégorielle incluant les diverses corporations de la Fonction publique congolaise, le chômage, la faible espérance de vie, ainsi que les lacunes des décideurs à promouvoir des filières de formation véritablement qualifiante et en adéquation avec les débouchés disponibles sur le marché de l’emploi local.
Les retards et/ou impayés des salaires, la hausse des taxes des produits d’importation élèvent encore plus le coût de la vie. Par exemple, pour assurer un repas par jour, il faut à un père de famille entre 2500 à 3500 FCFA pour les familles réduites et de 4500 à 6000 FCFA pour les familles nombreuses. En conséquence, il faut entre 75 000 et 150 000 FCFA par mois pour assurer au moins un repas à chaque citoyen dans les familles. A cela, il faut ajouter les charges de logement, car la plupart des travailleurs congolais sont locataires. Or, le SMIC au Congo est de 90 000 FCFA.
Le point d’indice salarial dont les fonctionnaires de l’Etat exigeaient une revalorisation à hauteur de 60%, n’a été revalorisée en 2014 qu’à la hauteur de 27,5%. C’est ainsi que le 19 février 2014, on a observé un mouvement de grève des agents municipaux de Brazzaville qui réclamaient le paiement du salaire du mois de janvier à l’indice 225. « Nous avons appris qu’en janvier, tous les fonctionnaires y compris territoriaux seront payés à la valeur indiciaire 225. Le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation a envoyé une note circulaire dans toutes les mairies du Congo, et au moment où nous parlons, dans certaines mairies, cette mesure a été appliquée, à l’exemple de Mossendjo où les agents ont été payés à l’indice 225 », déclarait le président de la Confédération syndicale interprofessionnelle des agents municipaux.
Le sujet lié aux « sous-traitances » dans le secteur des industries extractives en particulier est également préoccupant. Les compagnies sous traitantes ne fournissant à leurs employés aucune couverture sociale et aucun avenir concernant les retraites. De même, de nombreuses personnes travaillent dans le secteur sans contrat de travail. Un conflit social oppose d’ailleurs 23 travailleurs ressortissants de la communauté de Djeno à Pointe-Noire au groupe TOTAL E&P Congo sur le contrat de prestation de services à la société HPCI.
L’organisation déplore le fait qu’il n’y ait pas d’Instituts spécialisés dans l’initiation aux métiers du pétrole ou des mines au Congo alors que ces ressources constituent de par leur apport au budget de l’Etat et l’expérience du pays en la matière après plusieurs décennies d’exploitation, des secteurs d’activités majeurs. Ils devaient à ce titre figurer parmi les principaux pourvoyeurs d’emplois. Cette affirmation est également valable dans le secteur de l’exploitation forestière où les entreprises locales, peu spécialisées, délaissent l’activité au profit des entreprises étrangères. Ce constat est préoccupant car la faible volonté des décideurs à régler ces questions essentielles est source d’accroissement des facteurs de désintégration sociale.
Par ailleurs, la situation des syndicalistes ne saurait être exclue des préoccupations suscitées. En dépit du fait que la Constitution du 20 janvier 2002 garantisse la liberté syndicale, à travers son article 25, qui stipule : « A l’exception des agents de la force publique, les citoyens congolais jouissent des libertés syndicales et du droit de grève dans les conditions fixées par la loi », des atteintes récurrentes aux libertés syndicales sont enregistrées. Cela s’explique par le fait que les rapports entre le Gouvernement et les syndicalistes ne sont pas toujours des plus paisibles, « Nous n’avons pas le pouvoir de négocier. La grève c’est notre seule arme », déclare un membre de la CSTC (Confédération Syndicale des Travailleurs du Congo) sous couvert d’anonymat à la RPDH. Pourtant la perspective d’une grève n’enchante pas ce syndicaliste, qui craint les débordements et la récupération politique de la grogne légitime des travailleurs. Mais, ajoute t-il, « nous n’avons pas le choix. Il nous faut interpeller le gouvernement. Faute de quoi nous n’existons plus. Nous devons jouer notre rôle d’objecteur de conscience publique ». Ces paroles sont révélatrices de la situation en vigueur dans notre pays en matière de liberté syndicale. Ces syndicats sont victimes de campagne perpétuelle de harcèlement et de menaces; ceci contribue à museler, voire conditionner leur activité syndicale et pousse les acteurs concernés à la résignation.
A titre illustratif, le mouvement de grève entrepris deux mois durant en 2013, par la Concertation pour la Revalorisation de la Profession d’Enseignant (CRPE), relayant ainsi les exigences des personnels de l’enseignement, sur l’adoption du statut particulier avec le relèvement du point d’indice, la publication des textes d’harmonisation et le paiement des rappels des soldes d’activité,a donné lieu à l’arrestation et la détention, plusieurs jours durant par les services de sécurité, des leaders de la grève, dont notamment MM. Daniel Ngami, Luc Mban Mongo, Hilaire Eyima, Claude Nzingoula. Cela, au détriment des dispositionsde la Constitution du 20 Janvier 2002, en particulier de l’article 9, qui prévoit : « La liberté de la personne humaine est inviolable, nul ne peut être arbitrairement accusé, arrêté ou détenu… ».
Pourtant, les attentes des travailleurs soulevées par les syndicalistes attendent toujours d’être résolues : Le point d’indice salarial, dont les fonctionnaires exigeaient une revalorisation de 60 % n’a été revalorisé qu’à hauteur de 27,5 % ; le cahier de charge relatif au statut particulier des enseignants demeure bloqué dans les tiroirs du gouvernement.
Dans ce contexte, craignant d’éventuelles représailles, les syndicalistes craignent de plus en plus à exercer leur droit légitime de grève. Par ailleurs, on peut noter une surveillance étroite des activités des syndicats par le pouvoir, au regard du rôle joué par ces derniers à l’occasion notamment des changements politiques survenus au Congo.
Face à ce qui précède, en vue de promouvoir et d’améliorer le statut des travailleurs au Congo, la RPDH recommande au Gouvernement de la République de :
– Garantir la liberté syndicale, en mettant un terme au harcèlement des syndicalistes, conformément aux dispositions de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme et de la Constitution du 20 janvier 2002 ;
– Diligenter la revalorisation catégorielle, salariale et intégrale des différentes corporations de la Fonction publique congolaise ;
– Promouvoir un véritable dialogue social susceptible d’améliorer les rapports entre les pouvoirs publics, les salariés et les syndicalistes au sein des administrations et services publics ;
– Respecter et mettre en œuvre les dispositions sur le droit au Travail contenues dans le Pacte International relatif aux droits économiques et socioculturels ;
– Ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits économiques et socioculturels.
Fait à Pointe-Noire, le 1er Mai 2014
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