Santé pour tous au Congo-Brazzaville : Vœux pieux ou réalité?
Brazzaville – Pointe Noire, le 07 avril 2014. La Journée mondiale de la santé est consacrée cette année « aux maladies à transmission vectorielle », telles le paludisme ainsi que toute endémie liée à l’hygiène du milieu, à l’instar du choléra, qui prolifère le plus souvent en zone tropicale, dans des environnements où l’accès à l’eau et aux systèmes d’assainissement pose problème. Cette thématique vise à attirer le regard de la communauté internationale sur la question du respect et de la protection du droit à la santé des populations. Les Etats ont bien confirmé l’importance fondamentale de ce droit en le consacrant à travers plusieurs instruments juridiques internationaux, dont la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 25 – paragraphe 1, qui reconnaît à toute personne un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, qui dispose à son article 16 : « Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre. Les Etats parties à la présente Charte s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie ». Cette préoccupation est d’ailleurs reprise par le Pacte international relatif aux droits économiques et socioculturels, dont l’article 12 stipule : « Les Etats parties au dit Pacte reconnaissent le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre… ».
Dans sa Résolution 34/58, du 20 novembre 1992, l’Assemblée Générale des Nations Unies note qu’une fraction considérable de la population de nombreux pays, surtout en voie de développement, n’a guère accès aux services de santé de base. Pourtant, l’Etat est en premier responsable de l’organisation de l’offre de santé sur son territoire. Il lui appartient d’organiser la politique de prévention et de lutte contre les maladies, organiser la politique sanitaire, permettre une accessibilité concrète aux soins de santé, pourvoir à la formation du personnel, et fournir l’essentiel d’infrastructures sanitaires de base sans aucune discrimination.
Considérant le droit à la santé comme facteur majeur de développement, la République du Congo fait de la santé publique un impératif gouvernemental. Ainsi, tel qu’édicté par l’article 30 de la Constitution du 20 janvier 2002 : « L’Etat est garant de la santé publique… », L’Exécutif congolais a adopté en 2012, un nouveau Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2012-2016, avec l’ambition d’améliorer l’offre de santé à l’endroit des populations. Dans ce contexte, des reformes et de mesures ont été initiées dans le secteur, dont la plus marquante reste la gratuité des traitements du paludisme, du VIH/SIDA et de la césarienne.
Le document de Stratégie de coopération de l’Organisation Mondiale de la Santé avec les pays, période 2009-2013, énonce que le paludisme constitue la première cause de morbidité et de mortalité au Congo, affectant en particulier les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Il est responsable de plus de 60% des motifs de consultation et d’hospitalisation. Pour lutter contre le paludisme, le Gouvernement a instauré la gratuité du test y relatif, et la prise en charge du bilan biologique et médical chez les enfants de 0 à 15 ans et chez les femmes enceintes. Des actions ont également été menées en matière de stratégie de prévention, avec la distribution de moustiquaires imprégnées aux populations.
Egalement, ces données de l’OMS révèlent que le profil épidémiologique du Congo a connu un grand changement. Le ratio de la mortalité maternelle est en régression constante, passant de 890 pour 100.000 naissances vivantes en 1990 à 781 pour 100.000 naissances en 2005 puis à 426 pour 100.000 naissances vivantes en 2011-2012. Les mortalités néonatales, infantiles et infanto juvéniles ont également régressé, allant respectivement de 33 pour 1000 en 2005 à 22 pour 1000 en 2012 ; de 75 pour 1000 en 2005 à 39 pour 1000 en 2012 ; et de 117 pour 1000 en 2005 à 68 pour 1000 en 2012. Le taux d’accouchement dans un établissement de soins est de 86% en 2005 contre 92% en 2011. Le taux de couverture vaccinale chez les enfants était de 84% en 2012. Tous ces éléments font montre d’avancées positives dans le secteur.
La Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme souligne toutefois que malgré les efforts du Gouvernement en matière de santé publique, des difficultés demeurent : « La population congolaise dans sa grande majorité n’a pas pleinement accès à des soins et des services de santé de qualité, susceptibles de couvrir les besoins sanitaires. De même, les prix élevés des médicaments et des frais de consultation constituent un réel frein aux soins généralisés, ce qui a une incidence manifeste sur le taux de mortalité », a déclaré Franck LOUFOUA, Assistant aux Programmes.Ces défaillances du système de santé congolais sont en outre liées aux problèmes structurels de sous équipement en matériel médical, au manque de ressources humaines qualifiées, mais surtout actuellement à la persistance de maladies infectieuses, résultant de la dégradation de l’environnement. En effet, bien de maladies épidémiques sévissent sur le territoire national sans que le système de santé ne soit en mesure d’apporter les solutions attendues par les populations. L’insalubrité ambiante, source évidente de maladies à transmission vectorielle, contraste nettement avec la volonté déclarée des pouvoirs publics d’enrayer certaines endémies, en l’absence d’une véritable politique d’assainissement sur le terrain.
Le délabrement des infrastructures hospitalières publiques n’a d’égal, à quelques exceptions près, que le désengagement de fait de l’Etat à doter ces établissements d’équipements et de moyens d’actions par lesquels les soins de première nécessité seraient administrés à tous les malades. Cette dégradation est particulièrement criarde en zone rurale où, les structures sanitaires sont quasi-inexistantes sinon quand elles existent, elles manquent de tout. A cela, il faut ajouter la pauvreté de la population, incapable d’affronter le coût exorbitant des médicaments pharmaceutiques ; il se développe ainsi le phénomène des « pharmacies de rue », où les produits pharmaceutiques sont vendus à la sauvette, sans contrôle et le plus souvent exposés aux rayons du soleil.
La RPDH note également un manque criard en personnel médical. En effet, des disparités considérables subsistent entre les villes et les campagnes où l’on note d’évidentes disproportions en termes de répartition des personnels et des équipements de santé. Ainsi, les départements de Brazzaville et de Pointe-Noire sont dotés d’effectifs et d’équipements médicaux globalement supérieurs à ceux des autres départements du pays.
En outre, il convient de mentionner des difficultés importantes au plan des formations. Le pays recourt à l’importation et aux évacuations sanitaires pour les soins spécialisés d’autant que les formations reçues, trop théoriques, sont souvent inadaptées aux problématiques sanitaires nationales, de même que des problèmes de recyclage se posent au sein du personnel de santé.
Ce qui justifie d’une part, la multiplication des structures privées et d’autre part, l’expansion non contrôlée des soins informels de qualité parfois douteuse, principalement utilisés par les patients les plus démunis, entrainant souvent des conséquences graves pour leur santé.
Les maladies sexuellement transmissibles (MST) sont un réel problème de santé publique. A titre illustratif, le taux annuel d’infection est de 15% pour la gonococcie et de 20% pour l’infection à chlamydia-trachomatis. De plus, le diabète, les maladies cardiovasculaires et les cancers se posent également comme de réels problèmes de santé publique, sans pour autant que des solutions idoines ne soient envisagées à ce stade.
La RPDH rappelle que le droit à la santé est un droit fondamental interdépendant à l’exercice d’autres droits inhérents à la personne humaine, dont les droits à l’alimentation, à l’eau, à l’environnement, etc. Ce faisant, l’Etat congolais a l’obligation de tout mettre en œuvre pour en assurer le respect ainsi qu’une mise en œuvre effective et efficiente. De même, le ratio médecin-malade très faible dans les zones rurales doit être relevé en adoptant des politiques administratives incitatives qui maintiendraient le personnel de santé affecté dans les zones rurales. Ces mesures administratives incitatives passent par exemple par la revalorisation de la prime d’incitation départementale.
Pour améliorer l’environnement sanitaire ci-dessus-décrit, la RPDH formule les recommandations ci-après au Gouvernement de la République :
– Respecter le droit à la santé, conformément à la Constitution congolaise du 20 janvier 2002 ;
– Assurer l’amélioration de tous les aspects liés à l’hygiène du milieu ;
– Assurer la prévention des maladies épidémiologiques qui sévissent dans le Pays en général ;
– Garantir le financement effectif et la prise en charge du droit à la santé dans les priorités gouvernementales ;
– Promouvoir et protéger la santé des individus sur l’ensemble du territoire national ;
– Garantir l’accessibilité des populations aux services et aux soins de santé de qualité ;
– Créer des conditions permettant la réduction de la morbidité et de la mortalité liées aux maladies à transmission vectorielle ;
– Améliorer l’accès à l’eau potable, tant dans les centres urbains que dans les zones rurales ;
– Améliorer le système d’élimination des déchets, en l’occurrence les déchets biomédicaux ;
– Respecter et mettre en œuvre les dispositions sur le droit à la santé contenues dans les instruments internationaux dûment ratifiés par le Congo.
– Ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits économiques et socioculturels.
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