Entraves au droit syndical et à la liberté de la presse : Urgence de protéger les journalistes dans leur action!
La RPDH est vivement préoccupée par les récents actes d’harcèlement à l’encontre des médias, actes pouvant être interprétés comme des entraves manifestes à l’exercice des libertés fondamentales dans le pays.
La RPDH déplore ces exactions qui contredisent les déclarations du Président de la République, sur le respect des droits humains, des libertés syndicales et de la presse, et l’absence de prisonniers d’opinion. Ces actes visent en particulier les professionnels et utilisateurs des médias, et sont perpétrés en toute impunité par de hauts représentants de l’Etat ; en violation flagrante de la Constitution du 20 Janvier 2002 et de la loi n°8-2001 du 12 novembre 2001 sur la liberté de l’information et de la communication. L’organisation attire l’attention de l’opinion publique et des décideurs, sur la nécessité pour les autorités congolaises de se conformer à leurs engagements, en matière de promotion de la dignité humaine.
De l’assignation en justice de Laudes Martial Mbon:
Le 12 juillet 2011, Laudes Martial Mbon, Directeur de publication de l’hebdomadaire Tam-tam d’Afrique, a été assigné en justice par l’ex Procureur du Tribunal de grande instance de Mfilou à Brazzaville, Monsieur Antoine Ernest Olessongo. La première audience de ce procès prévue pour le 21 juillet 2011 n’a pu se tenir en l’absence du plaignant.
Pour les faits, l’édition n°386 du 15 juin 2011 du Journal Tam-tam d’Afrique avait rapporté la prise de position de deux organisations non gouvernementales sur le traitement d’un dossier opposant la veuve Atiga à l’ex procureur. En réaction à l’article publié, Mr Olessongo portera plainte pour diffamation et injures publiques, sans au préalable avoir usé de son droit de réponse. Dans cette procédure, Laudes Martial Mbon, encourt le payement d’une amende de 200 millions pour dommages requis par le plaignant. Le caractère abusif de l’amende, si elle était suivie d’effet par le jury en charge du dossier, milite pour l’anéantissement du journal, au regard de la précarité notoire des médias congolais, aucun organe de presse ne pourrait être en mesure de parvenir au règlement d’un tel montant. De telles pratiques sont de nature à restreindre la marge de manœuvre et l’indépendance de la presse au Congo. Au moment où la deuxième audience de ce procès s’ouvre, la RPDH recommande aux autorités congolaises de se ressaisir en veillant au respect de la liberté d’information et de la communication, telle que prévue par les articles 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Constitution du 20 Janvier 2002, de garantir l’intégrité physique et psychologique de Monsieur Laudes Martial Mbon, de procéder à l’annulation pure et simple de cette assignation.
Au cas où la procédure ne serait pas annulée, la RPDH en appelle à un procès juste et équitable garantissant à la défense tous ses droits.
Des Intimidations perpétrées à l’encontre d’Eric Patrick Mampouya:
Patrick Eric Mampouya, opposant congolais basé en France, est l’animateur d’un blog très critique vis-à-vis de l’action de l’Exécutif congolais. Il avait annoncé sa venue au Congo au mois d’août 2011. Le dimanche 7 août 2011, il est arrivé à Brazzaville et a aussitôt été interpellé à l’Aéroport International de Maya Maya par les services de la Direction Générale de la Surveillance du Territoire. Il sera retenu, interrogé des heures durant dans les locaux de la police, ses bagages auraient été inspectés, ainsi que son matériel de communication. Les autorités policières lui auraient proféré des menaces et se seraient inquiétées sur les motivations de son séjour et sur la prudence à observer dans ses actions à venir en terre congolaise. Ces actes d’intimidation, que la RPDH attribue à une tentative de conditionnement psychologique aux fins de réduire au silence l’activisme du bloggeur, s’avèrent honteux et relèguent le Congo à l’état de prison à ciel ouvert, au sein de laquelle les contrepouvoirs ne peuvent évoluer librement : il ne s’agit ni plus ni moins que d’une tentative de confiscation de la liberté d’expression et d’opinion. Les récurrentes interdictions de meetings ou de manifestations publiques dont sont régulièrement l’objet les partis de l’opposition viennent corroborer ce constat. Officiellement, M. Mampouya aurait simplement été interpellé pour des raisons de contrôle régulier. Ces motifs fallacieux révèlent à n’en point douter la fébrilité des services et leur ambition de contenir par des moyens antidémocratiques la liberté d’expression et de la citoyenneté.
Des Persécutions contre Deleau Amédée:
Le 15 juin 2011, La RPDH a été contactée par Monsieur Issako Loemba Joël, au sujet de l’arrestation et la détention prolongée de son frère aîné, Monsieur Deleau Loemba Amédée, âgé de 31 ans. Ce dernier a en effet été arrêté en mars à Pointe-Noire, alors qu’il projetait d’organiser une manifestation pacifique pour protester contre l’insalubrité de la ville, le délabrement du tissu routier et les nombreuses inondations issues de la dernière saison des pluies. Pour ce faire, il fréquentait assidûment internet à travers des cybers cafés de la place, les jours ayant précédé son interpellation par les éléments de la force publique. Détenu en premier lieu dans les geôles de la Direction Départementale de la Surveillance du Territoire (DDST) à Pointe-Noire, il avait été transféré mi-avril à la Direction générale de la Surveillance du Territoire à Brazzaville, avant d’être incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction de Brazzaville sur instruction du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la même ville. Depuis lors, il y est détenu et poursuivi pour des faits d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Le droit de réunion et de manifestation pacifique est pourtant bien consacré par la Constitution congolaise. A ce titre, cette interpellation suivie d’une détention prolongée ne se justifie pas car ne s’appuyant nullement sur des fondements réels, compte tenu du fait que ce dernier n’avait en sa possession aucun document subversif, susceptible d’attenter à la sûreté intérieure de l’Etat comme le lui reprochent les autorités congolaises : on retient ici qu’il est maintenu en prison simplement pour avoir tenté d’user de son devoir d’indignation pour exiger de meilleures conditions d’existence.
La RPDH qui suit avec attention cette situation, dénonce cette campagne de harcèlement, tout en exhortant le Gouvernement à garantir l’intégrité physique et psychologique des deux individus susmentionnés autant que leurs libertés fondamentales, et procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de Mr Deleau Amédée.
Affaire Télé Pointe-Noire :
Depuis le vendredi 5 août 2011, une forte tension règne au sein de Télé Pointe-Noire, chaîne nationale locale. Ce climat délétère puise ses causes dans le temps étant donné l’antagonisme né des sanctions régulières et arbitraires du nouveau directeur départemental de l’institution audiovisuelle à l’encontre du personnel. Désirant parer ce qui paraît comme un abus d’autorité, les agents ont pris l’option de constituer un syndicat en juin 2011, antenne affiliée à la FETRASSEIC. Initiative apparemment mal digérée par le directeur qui, à l’occasion d’une réunion convoquée par lui avec le bureau syndical en date du mardi 3 août 2011, a proféré des menaces à l’endroit du secrétaire général du syndicat, au cours d’une violente altercation, à l’issue de laquelle il en a suspendu les membres, et adressé dans l’après-midi du jour même une correspondance au Ministre de tutelle aux fins de remettre le secrétaire général à la disposition du département de la Communication, évoquant plusieurs faits à l’encontre de celui-ci, y compris antérieurs à sa prise de fonction. Comme si cela ne suffisait pas, et en dépit de l’appel au respect de la procédure émis par les responsables de la FETRASSEIC, l’affaire a pris une autre tournure lorsque le vendredi 5 août, le chef de service des programmes, n’arrivant pas à démarrer l’antenne, crie au sabotage et alerte le directeur qui aussitôt, incrimine les membres du syndicat, en particulier le secrétaire général. Saisie, la police se rend sur les lieux et auditionne les agents incriminés avant de les conduire au Commissariat central où ils déposeront de nouveau sur procès-verbal. Interdiction leur est ainsi faite d’accéder aux locaux de la chaîne jusqu’à nouvel ordre. En effet, ces derniers ne constituent rien d’autre que les membres du bureau syndical : Hervé Sakala-Mankoussou (Secrétaire Général), Henri Michel N’Gakégni, Sidney Mahoungou, Donald Mampembi, et Martine Mankou. Le lundi 8 août 2011, ils étaient de nouveau convoqués au Commissariat central de police pour une confrontation avec le directeur et le chef de service des programmes, auteurs des accusations de sabotage. Les policiers n’ayant finalement pu trouver aucun indice à même d’étayer la version du sabotage, le directeur a demandé ce même jour aux agents de reprendre le service, à l’exception d’Hervé Sakala-Mankoussou, Secrétaire Général du Syndicat, ce que ses collègues par solidarité se sont refusé à faire, pendant que le directeur mettait sur pied un deuxième syndicat constitué de membres sélectionnés par ses soins. Ces agents, qui n’ont toujours pas repris le travail, envisagent d’engager des poursuites contre le directeur départemental pour fausse accusation. La RPDH dénonce cette mauvaise gestion du personnel, caractérisée par des atteintes régulières au droit syndical ainsi qu’au droit au travail. Elle rappelle que les libertés syndicales demeurent les fondements de l’Etat de droit et que l’obligation de s’y conformer s’impose de fait à tout dirigeant, fusse-t-il de la fonction publique ou du secteur privé. En l’occurrence, l’organisation a pu constater qu’après une année de prise de fonction, ce sont plus d’une dizaine de suspensions, pour la plupart verbales et injustifiées, qui ont été attribuées par le directeur départemental Rémy Charles Mathieu Opassa aux agents de Télé Pointe-Noire. On peut citer entre autres : Marc « Bill »Ngassaki-Ibata (preneur de vue affecté à Radio Pointe-Noire), Brice Abanzounou (récente reprise du travail après une année de suspension), Brigitte Ossébi (suspendue à deux reprises à des durées indéterminées), Judicaël Okombi (suspendu verbalement deux mois durant), Norchelin Makouaka (frappé d’une suspension verbale et d’une interdiction d’exercer depuis plus de trois mois), Chanel Ibata (suspendu deux fois pour des durées indéterminées et une troisième fois verbalement pendant un mois), Donald Mampembi (objet de suspension verbale), Henri Michel N’Gakéni (suspendu pour une durée indéterminée), Hervé Sakala-Mankoussou (remis à la disposition du Ministère de tutelle).
La RPDH exhorte le Gouvernement, à travers le Ministère de la Communication et des Relations avec le Parlement, à remettre de l’ordre dans son département, qui n’honore nullement la profession du journalisme au Congo, en veillant notamment à la stricte application des textes régissant les médias et en garantissant les libertés syndicales.
Intimidation du journaliste Christian Perrin :
Christian Perrin, journaliste de la chaîne privé Télé Pour Tous (TPT) a reçu des messages d’intimidations courant juillet 2011 de la part d’autorités policières, dont le Commissaire central du département de Pointe-Noire, pour avoir diffusé un reportage intitulé « Scènes d’exhibition après un rituel d’enterrement », illustrant des jeunes demoiselles euphoriques exhiber leur nudité, sous l’œil bienveillant et complaisant des forces de l’ordre (policiers et militaires) présentes lors de l’enterrement. Le journaliste se serait entendu dire : « fais attention, encore toi, tu n’as pas le droit de salir la police, tu veux repartir en prison… ». Entendu que ce dernier avait séjourné en prison en 2007, alors directeur d’informations de TPT, pour avoir invité deux opposants du pouvoir sur son antenne. Rencontré par la RPDH, le journaliste s’est offusqué de ce que ces menaces ont eu l’impact souhaité par leurs auteurs auprès de sa hiérarchie, qui a exigé de lui de ne plus diffuser le reportage dont il est question, interpellant pourtant la conscience des congolais sur l’état des mœurs actuel dans le pays. Ensuite, le journaliste a reçu des menaces verbales de la part du Procureur Christian Oba, pour avoir diffusé l’interview d’une restauratrice, Mme Franck, qui dénonçait le manque d’impartialité du Procureur dans le traitement d’une affaire la concernant et la dissimulation par celui-ci d’un jugement de la Cour Suprême rendu en sa faveur.
La RPDH s’indigne face à tous ces actes et rappelle que la liberté d’information et de communication est garantie autant que la censure est prohibée par la Constitution congolaise et la législation en vigueur. Elle condamne donc ces menaces et intimidations qui n’ont de place dans une démocratie et invite le Gouvernement au suivi et à l’application des dispositions prévues sur la liberté de la presse au Congo y compris par les plus hautes autorités du pays car nul ne peut se prévaloir d’être au-dessus de la loi.
Conclusions et recommandations:
La liberté de la presse demeure un défi au Congo, en dépit de quelques avancées positives constatées ces dernières années au nombre desquelles la dépénalisation des délits de presse. Cependant, les journalistes congolais, tant de la presse écrite qu’audiovisuelle, sont soumis à de lourdes amendes en cas d’infraction, prévues par la loi de novembre 2001 sur la liberté d’information et de communication, amendes qui représentent un véritable goulot d’étranglement au regard de la précarité économique qui les caractérise, et ne favorisent nullement un exercice libre de leur profession. Quoique prohibée par la Constitution et par la loi, la censure s’exerce de manière subtile au sein même des organes de presse, où la hiérarchie brille par une autocensure abusive et adopte le plus souvent une ligne éditoriale favorable aux décideurs. Cette pratique nourrit les velléités de musellement de la presse par certaines autorités, qui s’estiment en droit de faire des injonctions aux journalistes sur la conduite à tenir. Les menaces et intimidations en la matière sont légion, les situations dépeintes à travers la présente note de position ne constituant qu’un échantillon. L’assignation en justice de Laudes Martial Mbon répond à cette volonté de destruction par les pouvoirs publics des médias qui échappent à leur contrôle. De même, les sanctions abusives infligées par la direction de Télé Pointe-Noire aux agents vont dans le sens de la restriction des libertés syndicales. Les intimidations dont a été victime le journaliste Christian Perrin de la part d’autorités policières et de magistrat constituent un maintien volontaire de la censure au Congo autant qu’une violation flagrante de la loi sur la liberté de la presse. Les récentes persécutions survenues à l’encontre d’Eric Patrick Mampouya, et la détention sans motif valable de Deleau Amédée, ne consistent ni plus ni moins qu’en une tentative de confiscation des libertés d’expression et d’opinion, de réunion, de pensée, de manifestation et d’association, pourtant consacrées par la Constitution du 20 Janvier 2002 et la législation en vigueur. Cet état de fait demeure alarmant au regard de l’imminence de l’échéance majeure que constituent les élections législatives, dont la réussite ne pourrait que s’avérer déterminante à la consolidation de la démocratie dans le pays. La RPDH estime que les autorités congolaises devraient rectifier le tir, en s’inspirant des évènements survenus dans d’autres pays, à l’instar des révolutions arabes, qui n’ont été en fin de compte que le fruit de frustrations entretenues de l’intérieur.
Au regard de ce qui suit, la RPDH recommande au Gouvernement de la République de :
- Garantir en toutes circonstances les libertés de la presse et syndicales au Congo ;
- Publier les textes d’application de la loi n°8-2001 sur la liberté d’information et de la communication ;
- Mettre un terme immédiat à l’assignation en justice de Laudes Martial Mbon et le cas échéant, lui assurer une procédure juste et équitable ;
- Cesser toute persécution envers Eric Patrick Mampouya ;
- Libérer sans condition Monsieur Amédée Deleau ;
- Garantir l’intégrité physique et psychologique des médias ;
- Respecter et promouvoir les libertés syndicales ainsi que le droit au travail ;
- Se conformer à la Constitution et à la législation en vigueur sur les libertés de la presse, syndicales, d’expression, d’opinion, de manifestation, de réunion, etc. ;
- Promouvoir et respecter les droits de l’Homme et les libertés fondamentales tels que prescrits dans les conventions internationales auxquelles le Congo est partie.
Fait à Pointe-Noire, le 18 Août 2011
Le Bureau Exécutif
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