Brazzaville-Pointe Noire le 7 Avril 2011. L’humanité célèbre la Journée Internationale de la santé sur le thème « Lutte contre la résistance aux antimicrobiens : agir aujourd’hui pour pouvoir soigner encore demain ! ». La Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH) inscrit cet évènement sous le signe de la méditation et de la mobilisation. En effet, les politiques mises en œuvre au Congo à ce jour, en faveur d’une couverture sanitaire adéquate, sont encore peu satisfaisantes par rapport aux attentes criardes de l’ensemble de la population du pays. Des préoccupations essentielles demeurent tant dans la mise en œuvre que dans l’accès à la santé comme droit fondamental pour tous. Pourtant, le Gouvernement, par le biais du Ministre de la Santé, Georges Moyen, réaffirmait encore en février 2011 à Brazzaville, à l’occasion d’un colloque prélude à la rencontre des Ministres de la santé de la sous-région CEEAC (1), à travers son Directeur de cabinet, que : « La santé est non seulement un des droits de l’homme, mais aussi un facteur de croissance et de développement humain ». L’exécutif congolais est donc manifestement conscient de ce que l’accès aux soins de santé est une question d’urgence au plan social, économique et politique, et une des priorités de la lutte contre la pauvreté, des inégalités sociales, de la violence et de l’injustice.
En dépit de mesures prises ces dernières années au profit de la santé en général, fruit du partenariat entre le Gouvernement et certaines institutions internationales, mettant en relief la distribution gratuite de moustiquaires imprégnées, la gratuité du traitement antipaludique pour les femmes enceintes et les enfants de 0 à 15 ans, des antirétroviraux, des examens biologiques du VIH/Sida, de la césarienne et d’autres opérations connexes(2), la RPDH estime que si la santé constitue virtuellement un des secteurs prioritaires de la politique gouvernementale, il n’en est pas moins que les efforts accomplis sont nettement insuffisants et les impacts peu significatifs. La population congolaise dans sa grande majorité n’a pas pleinement accès à des soins et des services de santé de qualité, susceptibles de couvrir les besoins sanitaires. De même, les prix élevés des médicaments et des frais de consultation constituent un réel frein aux soins généralisés, ce qui a une incidence manifeste sur le taux de mortalité. A cela s’ajoute le manque d’attention, de contrôle et de suivi face à la résurgence d’épidémies jadis contrôlées, qui ont causé la mort en début d’année 2011 de 200 personnes dont des enfants de moins de 5 ans et des femmes (3). Par ailleurs, selon des sources anonymes, depuis le déclenchement de l’épidémie de poliovirus sauvage entre octobre 2010 et mars 2011, 51 pour cent des personnes infectées auraient trouvé la mort. « Il est inconcevable qu’en plein 21eme siècle l’accès à la santé soit si rudimentaire au Congo, alors que le pays regorge de grandes potentialités et a atteint le point d’achèvement de l’IPPTE l’an dernier », a affirmé Prince Arnie Matoko, Assistant juridique et judiciaire à la RPDH.
Malgré les fonds alloués au budget de l’Etat et les aides multiformes des partenaires financiers internationaux(4), le pays peine encore à se conformer aux engagements pris et à garantir une gestion rationnelle des revenus affectés en vue d’améliorer le système de santé, et par conséquent améliorer ses performances dans l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Ces défaillances du système de santé congolais sont en outre liées aux problèmes structurels de sous équipement en matériel médical, au manque de ressources humaines qualifiées, mais surtout actuellement à la persistance de maladies infectieuses, résultant de la dégradation de l’environnement.
Le pays recourt à l’importation et aux évacuations sanitaires pour les soins spécialisés d’autant que les formations reçues, trop théoriques, sont souvent inadaptées aux problématiques sanitaires nationales, de même que des problèmes de recyclage se posent au sein du personnel de santé, et ce malgré les politiques élaborées par le Gouvernement et la Banque Mondiale, dont le Plan National de Développement Sanitaire (PNDS/2007- 2011) et le Programme de Développement des Services de Santé (PDSS/2009). Ce qui justifie d’une part la multiplication des structures privées et d’autre part, l’expansion non contrôlée des soins informels de qualité parfois douteuse, principalement utilisés par les patients les plus démunis, entrainant parfois des conséquences graves pour leur santé. Le niveau d’engagement du Gouvernement congolais en matière de santé reste encore très faible sur l’ensemble du territoire national. Les indicateurs sanitaires suivants en sont une parfaite illustration (5) : Mortalité des enfants de moins de 5 ans (126‰) ; Mortalité maternelle 781 pour 100 000 naissances; Proportion d’accouchement assistés par un personnel de santé qualifié 86%; Taux de prévalence de la tuberculose (56%) et Taux de mortalité liée à cette maladie (30%) ; Taux de mortalité de la population (12,01‰); Espérance de vie 54 ans, Taux de prévalence globale du VHI/SIDA (4,2%) ; Taux de prévalence VIH/SIDA parmi les femmes enceintes (3,8%) ; proportion de la population ayant accès au traitement antirétroviral pour les personnes atteintes du VIH/SIDA à un stade avancé 39,65%(6).
La RPDH rappelle que le droit à la santé est un droit fondamental interdépendant à l’exercice d’autres droits inhérents à la personne humaine, dont les droits à l’alimentation, à l’eau, à l’environnement, etc. Ce faisant, l’Etat congolais a pour obligation de tout mettre en œuvre pour en assurer le respect ainsi qu’une mise en œuvre pleine et effective. La Constitution congolaise, les différents textes du bloc de constitutionnalité, autant que la plupart des instruments juridiques régionaux et internationaux des droits de l’Homme ratifiés par le Congo, consacrent clairement le droit à la santé, comme un droit fondamental, à l’instar du Pacte International relatif aux Droits Economiques et Socioculturel (PIDESC) en son article 12, et de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, en son article 16.
En vue d’améliorer l’exercice du droit à la santé au Congo, la RPDH recommande à l’Etat congolais de :
- Respecter effectivement le droit à la santé, conformément à la Constitution congolaise du 20 janvier 2002;
- Assurer l’amélioration de tous les aspects liés à l’hygiène du milieu ;
- Assurer la prévention des maladies épidémiologiques qui sévissent dans le Pays en général, garantir le financement effectif et la prise en charge du droit à la santé dans les priorités gouvernementales ;
- Respecter et mettre en œuvre les dispositions de la Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples en matière de droit à la Santé ;
- Respecter et mettre en œuvre les dispositions sur le droit à la santé contenues dans le Pacte International relatif aux droits économiques et socioculturels ;
- Ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits économiques et socioculturels.
Le Bureau Exécutif:
Note :
(1) Les experts de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) se sont réunis en février 2011 à Brazzaville afin de préparer la troisième rencontre des ministres de la communauté, « dans le souci de voir les pays d’Afrique centrale relever les défis liés aux systèmes de santé en vue de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, afin vue que les populations atteignent le plus haut degré de santé possible », propos du Ministre congolais de la santé Georges Moyen.
(2) Le 17 mars 2011 à Pointe-Noire, l’ONG Médecins d’Afrique a reçu le don d’un lot de moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’efficacité, pour un coût de 17,4 milliards de FCFA du Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, devant assurer la couverture du territoire national à 80%. Selon le directeur régional du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, le Dr Gianfranco Rotigliano, invitant le pays à relever le défi dans le domaine, les dépenses en santé par habitant ont atteint 53 dollars en 2008 au Congo, dont le montant total est inférieur à 45 dollars par habitant et par an, sont insuffisantes pour garantir l’accès aux services nécessaires de base.
(3) Une source ayant requis l’anonymat à la morgue de Pointe Noire indiquait à propos que la Mairie avait été saisie par l’apparition de nombreux cas de diarrhée à l’origine d’environ 200 décès, essentiellement des enfants en bas âge et des femmes en début d’année 2011.
(‘4) Le Congo bénéficiera bientôt de près de 8 milliards de FCFA d’aide de la France, dans le cadre de l’appui au développement des ressources humaines, aux structures sanitaires existantes et la formation des personnels de santé, annonçait le 8 février 2011 à Brazzaville le directeur local de l’Agence Française de Développement (AFD), Monsieur Patrick Dac Bello ; au même titre que la somme de 54 milliards de FCFA (2006-2013) pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme, avec en sus le financement d’un Fonds pour la vaccination des enfants avec 65,6 milliards de FCFA.
(5) Données recueillies en 2010 à la Direction départementale de la santé de Pointe-Noire
(6) Quoiqu’il soit, le Gouvernement envisage, en perspective de l’année 2011, de revoir ces chiffres à la baisse, notamment pour la Mortalité des enfants de moins de 5 ans (souhaitée à 56‰) et la mortalité maternelle (586 au lieu de 781 pour 100 000 naissances). Interview à la Direction départementale de la Santé Pointe Noire en 2011.
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