La CDJP et la RPDH appellent le gouvernement à faire un lien entre la croissance positive des revenus pétroliers et une meilleure prise en charge des droits sociaux économiques des citoyens congolais !
Brazzaville-Pointe-Noire le 10 décembre 2010. L’humanité célèbre le soixante deuxième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, événement qui coïncide avec le cinquantenaire de l’accession du Congo à la souveraineté. Ce texte adopté par les Nations unies après la seconde guerre mondiale, édicte un ensemble de droits dont la promotion, la défense et la satisfaction incombent non seulement aux états mais aussi aux différentes organisations de la société civile. Si dans le monde des progrès ont été accomplis sur les droits civils et politiques, les droits sociaux économiques quant à eux n’ont pas fait l’objet d’une attention particulière, certainement du fait de leur complexité dans la mise en œuvre et de leur forte dépendance aux situations économiques des pays, notamment en cette période de crise financière. L’article 25 de cette Déclaration stipule : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a le droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse… »
Au Congo, s’il était donné à la Commission Justice et Paix et la Rencontre Pour la Paix et les Droits de l’Homme de faire une évaluation de la mise en œuvre des droits sociaux économiques, plusieurs indicateurs seraient au rouge, en dépit des conditions favorables dans le pays actuellement notamment, l’augmentation des revenus pétroliers avec un taux de croissance du PIB de 12,1% en Novembre 2010, et d’ un allègement massif de la dette par les Institutions Financières Internationales dans le cadre du programme pays pauvres très endettés. (1).
Selon une étude réalisée par Justice et Paix sur « le Panier des Besoins Elémentaires » (PBE), entre février et novembre 2010 sur 1000 ménages, une famille moyenne de six personnes dépense la somme de 165.495 FCFA uniquement pour les besoins élémentaires alimentaires. (2)
Cette réalité, contraste avec les revenus du fonctionnaire congolais moyen tels que les enseignants et le personnel de santé(3) ; et contredit les affirmations du gouvernement sur l’investissement dans les secteurs sociaux en relation avec le processus PPTE et les engagements contenus dans le document stratégique de réduction de la pauvreté. La Banque Mondiale et le FMI dont les politiques économiques sont souvent décriées, devraient veiller à ce que ces engagements soient tenus par le gouvernement du Congo.
Une autre étude réalisée par la RPDH sur l’analyse du budget 2008 et publiée en octobre dernier, montre que les questions de santé, éducation, accès à l’eau et l’électricité n’ont pas bénéficié d’une couverture prioritaire, ce qui rend illisible la prise en charge des droits économiques et sociaux par le gouvernement. (4)
En dépit des engagements en matière de gouvernance, avec l’adhésion à l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE), la mise en œuvre des réformes en matière financière, pétrolière, et en matière de lutte contre la corruption, la situation des droits sociaux économiques demeure préoccupante pour la majorité des congolais vivant dans un contexte de pauvreté exacerbée, avec moins d’un dollar par jour ; les zones d’exploitation pétrolière et minière étant spécialement affectées.
A ce titre, la CDJP et la RPDH avaient publié en 2008 un rapport soumis à l’examen périodique universel des Nations Unies, dans lequel les deux organisations faisant une évaluation de la situation des droits humains dans les communautés pétrolières.(5)
Le 14 août dernier, le Chef de l’Etat s’exprimant à l’occasion de la fête de l’indépendance a annoncé la révision de la grille indiciaire des agents civils de l’état, ainsi que le déblocage des avancements avec effets financiers. La CDJP et la RPDH qui sont engagées depuis 2003 dans le plaidoyer pour une meilleure gestion des revenus pétroliers, au travers de la Campagne Publiez ce Que Vous Payez, estiment, que cet engagement du Chef de l’Etat est salutaire pour les fonctionnaires. Il devrait connaître une application urgente afin d’améliorer la mise en œuvre des droits des travailleurs congolais.
Par ailleurs, la CDJP et la RPDH demeurent préoccupées par les faiblesses du système judiciaire congolais, totalement inféodé à l’exécutif et par conséquent incapable de contribuer à asseoir un Etat de droit effectif au Congo, capable de protéger les droits des citoyens.
Face à ce contexte, la CDJP et la RPDH recommandent:
- L’organisation d’une consultation nationale afin d’évaluer le niveau de pauvreté dans le pays. La reforme de la grille salariale des agents civils de l’état devrait en tenir compte.
- Aux parlementaires d’accorder une attention particulière à cette reforme au cours de la présente session budgétaire. Les débats sur cette question devront être publics et transparents.
- La reconnaissance des droits sociaux économiques à promouvoir au même titre que les droits civils et politiques. Une attention particulière devrait être accordée aux communautés riveraines des installations industrielles et des clauses expresses devraient être insérées dans les contrats. Les multinationales exerçant dans le domaine devraient s’engager de manière formelle au respect des droits des communautés.
- De garantir la transparence du compte de stabilisation et des modalités de son appui au budget,
- De renforcer la prise en charge des dépenses prioritaires qui laisse entendre une revalorisation des budgets en faveur de la santé, l’éducation, l’emploi, l’accès à l’eau, l’accès à l’électricité ainsi que la sincérité de l’exécution budgétaire. Ces investissements doivent être audités à la fin de chaque exercice budgétaire.
- De tout mettre en œuvre pour faire respecter les dispositions de la DUDH.
Notes:
(1). le 28 janvier 2010 le FMI et l’IDA ont accordé un allègement de la dette de 1,9 milliard de dollars en faveur du Congo. Les prévisions budgétaires pour l’année 2011 sont de 3.004.653.000.000 FCFA.
(2). Le Panier des besoins élémentaires est une méthode d’évaluation de la pauvreté lancé par le Centre jésuite pour la réflexion théologique de Lusaka qui distingue les besoins essentiels alimentaires (aliments), les besoins essentiels non alimentaires (savon, loyer, eau, électricité), et les besoins additionnels (éducation, santé, cotisations diverses). www.jctr.org.zm
(3). Au Congo Brazzaville le salaire de base d’un professeur de lycée est de 136.000 FCFA alors qu’un instituteur perçoit 87.500 FCFA. Le médecin quant à lui perçoit 120.000 FCFA alors que l’infirmier diplômé d’état gagne 84.000 FCFA.
(4) Rapport Analyse budget 2008 publié par la RPDH en octobre 2010.
(5) www.cjusticepaix-pointe-noire.org; www.rpdh-cg.org
Contacts presse:
Brice MACKOSSO Secrétaire Permanent Commission Justice et Paix Pointe Noire: 00 242 05 557 90 81.
Franck LOUFOUA BESSI, Assistant aux programmes Rencontre Pour la Paix et les Droits de l’Homme. 00242 05 550 45 20.