Paix et Droits de l'homme

Combattre l'injustice et l'arbitraire pour construire la Paix

10 décembre 2008

Lettre de la RPDH n°06 &07 Déc 2008

10 Décembre 2008, l’humanité a célébré le soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) sur le thème  » Dignité et justice pour nous tous ». En intégrant comme acquis fondamental l’idéal de dignité et de justice, la communauté internationale entend consacrer l’idée de l’équité, l’égalité, entre tous les êtres humains.

C’est dans le contexte de cet événement mondial que le Congo-Brazzaville, s’est engagé de faire de l’année 2009, l’année de l’élection du nouveau président. La fébrilité dans laquelle ce moment historique important est accueilli cache très difficilement la fracture sociale et surtout la distance qui ne cesse de grandir entre les institutions et les populations.

Cette distance est témoignée par les injustices notoires couvertes par l’impunité qui rappellent aux faibles l’Etat de droit à venir pour leur assurer des recours effectifs devant l’arbitraire.
Elle est renforcée par la marche à contre-courant de l’idéal prôné par la DUDH, à travers l’absence de mise en œuvre des droits économiques et sociaux. La pauvreté dans laquelle se trouvent les populations les réduit aujourd’hui à la mendicité et à l’état de sujets et non de citoyens.

Elle s’agrandit avec la campagne d’intimidation organisée délibérément par le pouvoir à l’orée du scrutin présidentiel de 2009, se traduisant par l’instrumentalisation des services judiciaires et ceux de la police, par la privation des libertés et la répression des manifestations citoyennes, le harcèlement.
Ces activités participent du traumatisme et de la peur dans laquelle le gouvernement entend confiner les populations dans le but de les dissuader d’user de leur pouvoir citoyen.
Elle se nourrit, enfin, des déficits criards reconnus dans l’organisation des processus électoraux engagés depuis 2007 et 2008 qui ont systématiquement privé les populations de leurs droits et libertés fondamentaux, de leurs attributs de citoyens libres.

Cette perte de confiance en soi et dans les gouvernants ne sera pas rétablie juste après l’organisation d’une élection quelle que légale soit elle, bien au contraire. Les lois violées et méprisées ne suffiront plus pour garantir la souveraineté. Celle-ci est plus à rechercher dans la combinaison entre ce qui reste encore de légalité et une véritable légitimité populaire. Or cette légitimité, aujourd’hui, ne peut sortir que d’un large consensus, admis et assumé par tous sur les fondamentaux d’une élection effectivement libre, pacifique, transparente et crédible.

Tel est le prix à payer pour garantir la paix, et redonner l’espoir à une citoyenneté retrouvée et responsable.
Christian Mounzeo
Libération des 35 personnes détenues à la maison d’arrêt de Pointe-Noire:
Libération des 35 personnes détenues à la maison d’arrêt de Pointe-Noire:

Le gouvernement face au devoir de vérité et de réparation

Les 5 et 7 juillet 2008 à Pointe-Noire sont organisées les funérailles de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale du Congo, Jean-Pierre THYSTERE TCHICAYA. Suite à une mauvaise gestion des humeurs des sympathisants et militants du Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès Social-RDPS, ayant eu des difficultés à honorer la mémoire de leur leader à cause du programme officiel, des actes de pillage et de destruction de biens, véhicules et immeubles ont été orchestrés par des personnes incontrôlées le long de l’Avenue Marien Ngouabi de Pointe-Noire ; en même temps que le cortège présidentiel avait essuyé des injures.

Guy Sylvestre, mort suite aux violences policières
La force publique, police militaire et gendarmerie, mobilisée, a procédé à des arrestations et rafles intempestives, le jour des obsèques et durant toute une semaine. Ces interpellations ont parfois été opérées au mépris de certaines règles procédurales. Elles ont abouti à la détention arbitraire de 5 mois et 11 jours de 35 personnes à la Maison d’arrêt de Pointe-Noire, après deux semaines de «garde à vue» à la Gendarmerie nationale, pour certains. Mises en examen pour les faits de «Offense au Chef de l’Etat, pillage et destruction de biens», ces personnes ont été remises en liberté le vendredi 18 décembre 2008 à 16 heures, après une décision de la chambre d’accusation près la Cour d’appel de Pointe-Noire, lors d’une audience organisée, à la sauvette, dans la matinée du même jour, en l’absence des détenus.
Aujourd’hui, ces anciens détenus ne s’expliquent pas cette détention arbitraire, qui les a privé de liberté près de six mois et surtout dont, entre autres, la résultante est la mise entre parenthèses de leurs activités aussi bien scolaires que professionnelles. A cela, le décès non expliqué de l’un d’entre eux et la disparition d’un autre sujet expatrié et détenu pour les mêmes faits au sein de l’administration pénitentiaire, constituent autant de mystères que la justice devrait élucider aux fins d’en identifier les responsables.

Des obsèques politisées
La dépouille mortelle de Jean-Pierre Thystere Tchicaya, décédé à Paris en France le 20 juin 2008, a été rapatriée à Pointe-Noire, via Brazzaville, le 5 juillet 2008, pour l’enterrement prévu le lundi 7 juillet 2008, au cimetière familial du quartier Mboukou.
A l’occasion, le Chef de l’Etat et son épouse, quelques membres du gouvernement et parlementaires ont effectué le déplacement. La volonté du pouvoir de suivre et contrôler toutes les étapes des funérailles a suscité l’indignation des partisans de l’illustre disparu qui ont violemment exprimé leur désapprobation et frustration le 7 juillet, en proférant des injures aux autorités politico administratives et militaires présentes, dont le Président de la République et son épouse. A cet effet, des manifestants ont commis des casses de quelques véhicules, boutiques et magasins, sur le parcours du lieu de la messe, au Centre-ville, jusqu’à l’endroit prévu pour la cérémonie d’enterrement. Des pillages ont ensuite été perpétrés. A cette violence des personnes non identifiées, et pour rechercher des coupables, la force publique a opposé une violence disproportionnée et aveugle sur des populations civiles et parfois innocentes.

Examen médical d’un ex-détenu avec le concours de Médecins d’Afrique

Des jeunes ont été arrêtés, dont un sourd muet, des hommes et de femmes adultes, pris à leur domicile, dans la rue ou à bord de taxis, ce, jusque dans les quartiers tels que Nkouikou- quatrième arrondissement- situé à l’autre extrémité du théâtre des évènements. En rappel, aucune des personnes interpellées n’a été prise en flagrant délit de vol ou de destruction ni même en possession d’un butin issu du pillage. Souvent, c’est le port d’un tee-shirt à l’effigie du disparu ou de son parti qui a guidé les agents de la force de l’ordre.


Les 35 détenus de Pointe-Noire au sortir de leur détention

Les interpellations se sont poursuivies pendant toute la semaine qui a suivi les évènements, généralement au quartier Mvoumvou, où des individus, potentiels suspects notamment pour leur activisme au sein du parti, ont été raflés, le plus souvent à des heures tardives, sous les yeux de leurs familles qui, au moment de l’arrestation, n’étaient pas renseignées quant au lieu de leur détention.
Bastonnés en général dès le moment de l’arrestation, ceux-ci ont subi des traitements inhumains et dégradants en détention, dont l’issue a été le décès de l’un d’entre eux, Guy Sylvestre POATY, survenu le samedi 19 juillet 2008, en matinée, à l’hôpital général Adolphe SICE de Pointe-Noire où il avait été transporté quelques heures auparavant.

Conditions de détentions dramatiques, décès et disparition
Le 7 juillet 2008, plus de quarante personnes ont été incarcérées dans divers centres de détention de Pointe-Noire. La RPDH a pu identifier : 35 personnes à la Gendarmerie nationale/Compagnie territoriale du Kouilou, 7 personnes au Commissariat central, 6 personnes à la direction départementale de la surveillance du territoire (D.S.T.). Toutes ces personnes ont été détenues dans divers endroits.
– Ceux de la gendarmerie nationale ont, pour la plupart, été arrêtés le jour de l’enterrement, c’est-à-dire le 7 juillet 2008. Molestés lors de l’arrestation, à leur arrivée dans les geôles, les sujets masculins ont été soumis, sur ordre des gendarmes, à la battue par d’anciens prisonniers. Ces 35 personnes y ont effectué un séjour de deux semaines, sans pouvoir prendre une douche alors qu’elles dormaient à même le sol, le droit de visite parentale également était prohibé à ces prisonniers dits «spéciaux» qui avaient «offensé» le Chef de l’Etat. La ration alimentaire assurée par les familles était plusieurs fois confisquée par les gendarmes, alors que les sujets en détention démeuraient affamés. Les parents qui effectuaient un sit-in quotidien à l’extérieur ont reçu, pour certains, des coups de fouet des gendarmes, les enjoignant de décamper des lieux. Le 21 juillet 2008, ils ont été conduits au Parquet où le Procureur de la République les a inculpé des faits suscités, avant de les déférer à la Maison d’arrêt de Pointe-Noire.

Guy Sylvestre Poaty, martyrisé et mort pour rien
-Ceux du commissariat central parmi lesquels POATY Guy Sylvestre, 40 ans, également interpellés le jour des obsèques, ont subi d’importantes violences physiques et sévices corporels, tant au moment de l’interpellation et durant la détention, aussi bien par les policiers que par les anciens détenus. Ces violences sont à l’origine de nombreux stigmates qu’ils présentaient lors de leur transfert à la Maison d’arrêt, le mercredi 16 juillet 2008. Pendant la détention, ni l’alimentation, ni les visites parentales n’ont été autorisées par les responsables du commissariat. Guy Sylvestre Poaty a été arrêté au quartier Mvoumvou, pendant qu’il prenait un pot de vin local. Son malheur, il portait un tee-shirt aux couleurs et sigles du RDPS. Suite aux brutalités policières, il s’était retrouvé avec une tuméfaction post-traumatique de l’oeil gauche, de grosses plaques d’écorchures au niveau des deux coudes, une fracture du majeur droit, et un amaigrissement annonçant une altération considérable de son état général ; et ceci dans une indifférence totale de ses geôliers. Il sera transféré à la maison d’arrêt dans cet état et enfermé dans une cellule avec d’autres détenus qui le tortureront de nouveau. Les parents avaient dû payer la somme de 30.000 f fca aux geôliers pour qu’il soit placé dans une cellule ‘’VIP’’.
Le 19 juillet, soit trois jours après son transfert à la Maison d’arrêt, Guy Sylvestre Poaty, succombe des suites de ces coups et blessures portés au commissariat central, dont un coup de crosse à la tête ainsi que des mauvais traitement à la maison d’arrêt. Le transfert à l’hôpital Adolphe Sicé alors qu’il se trouvait dans un état comateux n’y aura rien fait. Le médecin établira la cause du décès en ces termes : ‘’ traumatisme crânien ayant entraîné une tuméfaction crânienne suivie d’un état comateux. Patient en état de mort cérébrale à l’arrivée au service de réanimation’’. Pour sa part, le Procureur de la République émettra une réquisition aux fins d’inhumer dans laquelle ce dernier atteste que les circonstances du décès appellent la responsabilité de l’Etat qui est tenu d’assurer cette inhumation ; les parents n’auront bénéficier que d’une exonération des frais et taxes à la morgue.
L’enterrement a été assumé par les parents.
Ce décès a suscité la libération d’environ 59 jeunes ce même jour; tandis que 6 autres ont été remis en liberté le dimanche 20 juillet par le Procureur de la République. Aujourd’hui les parents ignorent les résultats de l’enquête promise par le Procureur et ont requis l’assistance de la RPDH pour obtenir des autorités judiciaires vérité, indemnisation et identification des responsables de cette violation du droit a la vie.
-Cependant ceux détenus à la D.S.T., dont cinq habitants du quartier Mvoumvou et un autre du quartier Loandjili, ont été interpellés dans la soirée du jour des obsèques et pendant la semaine d’après, à leurs domiciles respectifs.
Ils ont été incarcérés trois semaines durant, pendant lesquelles ils ont subi de nombreux interrogatoires, dans une geôle de la D.S.T., avant d’être libérés sans autre forme de jugement, le 11 août 2008. Ils ont déclaré n’avoir subi aucune violences physiques et avoir bénéficié d’une alimentation régulière, assurée par les geôliers ainsi que par les familles, et avoir eu droit aux visites parentales. Ces jeunes ont la caractéristique d’avoir tous milité au sein du RDPS.
-A la Maison d’arrêt par contre, 41 personnes, dans le cadre de cette affaire, ont été transférées respectivement les 16, 21 et 28 juillet 2008, en provenance du Commissariat central et de la Gendarmerie nationale, placées sous mandat de dépôt. Au 28 novembre 2008, le directeur de la Maison d’arrêt avait écrit au Parquet pour signaler le dépassement des délais de détention préventive. Le 18 décembre 2008, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Pointe-Noire a décidé de la remise en liberté d’office de tous les détenus relatifs à cette affaire, lors d’une audience excluant les prévenus concernés.
Les autorités demeurent à ce jour silencieuses face a ces drames vécues par des familles qui veulent comprendre les motivations d’une détention aussi prolongée et finalement sans objet par une justice qui n’a pas su prouver l’implication des concernés dans les faits incriminés. L’indifférence des pouvoirs publics face à la disparition impunie de Guy Sylvestre Poaty préoccupe au plus haut point la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH).
L’organisation n’entend pas occulter le cas du détenu Sita DOMBE, sujet originaire de la République Démocratique du Congo, qui, aux dires des autorités carcérales, se serait évadé alors qu’il avait été conduit à l’hôpital pour des soins médicaux. Des témoignages concordants d’anciens détenus confirment la situation sanitaire critique de ce dernier pendant sa détention. Agonisant pendant sa détention selon les mêmes sources, il aurait été transféré à l’hôpital lorsque ses geôliers ont vu son pronostic se dégrader davantage. Les détenus affirment plutôt qu’il aurait succombé des suites des mauvais traitements et conditions de détention. Son etat n’aurait pu lui permettre de s’échapper.
La justice devrait apporter des éclaircissements quant à ces interrogations et faire le point sur six mois de détention sans que celle-ci ne corresponde à des allégations véritables. L’Etat a le devoir de garantir l’ouverture d’une enquête indépendante en vue d’établir la responsabilité des auteurs de ces violations afin qu’ils soient jugés et punis conformément à la loi; et que soit confirmé l’abandon des poursuites à l’endroit des anciens détenus; et enfin leur assurer des mesures compensatrices ainsi qu’à leurs familles.

Rencontre d’échange entre les détenus et la RPDH

Temoignage
Pamela Mavoungou, élève âgée de 21 ans, en classe de première au Lycée Victor Augagneur et habitant Mvoumvou a été interpellée en compagnie de Kouanga Madeleine et Loubouka Genevieve, le 17 juillet 2008 vers 13h, au croisement entre les Avenues de l’indépendance et de la révolution, vers le foyer féminin de Tié-tié. Toutes se rendaient à bord d’un taxi à la cérémonie des funérailles au quartier Mboukou. Arrivées à cette intersection et voyant les gens revenir après s’être renseignées sur l’inhumation de Thystere Tchicaya, elles demandent au chauffeur de rebrousser chemin. Au moment ou le chauffeur manoeuvrait, un pick up de la police militaire surgit, les policiers ordonnent au chauffeur de se ranger sur le coté et bondissent sur le taxi. Pris de panique, le chauffeur s’enfuit, les passagères sont violemment éjectées de la voiture, à coups de pieds, gifles, embarquées dans le pick up, et dans la patrouille; ainsi les filles sont témoins d’autres arrestations similaires, jusqu’à 15h, heure à laquelle elles sont placées dans les cellules de la gendarmerie. Pamela a indiqué avoir vu des anciens détenus se déchaîner sur les nouveaux de sexe masculin en les battant, sur injonction des gendarmes. Elle a été incarcérée avec une trentaine d’individus dans une même cellule, sans distinction d’age, de sexe, dans une cellule obscure, mal aérée, et d’une superficie d’environ trois mètres sur quatre.
Elle a passé ses nuits à même le sol. En deux semaines de ‘’garde à vue’’ illégale, elle n’a eu droit qu’a trois bains et a gardé les mêmes vêtements. Elle a vidé à plusieurs reprises, à mains nues et à l’aide d’un seau, les excréments des autres détenus, la cellule étant dépourvue de latrines. Pamela a confié avoir été de nombreuses fois au contact des urines des autres détenus, fait qui lui a déclenché des vomissements réguliers. Elle s’est plainte de problèmes gastriques et cutanés au personnel de la gendarmerie qui est demeuré indifférent. Elle a été transférée le 21 juillet à la Maison d’Arrêt. A ce stade, elle a continué à se plaindre des vomissements, et des saignements au niveau de son organe génital. Elle a donc été remise en liberté provisoire le 6 août, pour assister aux obsèques de sa mère, décédée de chagrin, Pamela étant fille unique et seule soutien de la défunte. Et le 4 décembre, elle a de nouveau été mise en liberté provisoire pour cause de gestation.

«LA JUSTICE AU CONGO: UN INSTRUMENT AU SERVICE DES FORTUNES ET DES PUISSANTS»
La justice désigne l’ensemble des organes ayant pour fonction de juger, c’est-à-dire assurer la répression des violations des droits et de trancher sur la base du droit les contestations qui apparaissent à propos de l’existence ou de l’application des règles juridiques. Elle sert alors de catalyseur de la paix au sein d’une société. C’est pourquoi la loi interdit la justice privée. Tout citoyen ayant des raisons de se plaindre contre son concitoyen doit s’adresser à l‘institution judiciaire. Il faut, pour cela, favoriser l’accès à la justice à chaque citoyen.
La Déclaration des Droits de l’Homme du 26 Août 1789 et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 Décembre 1948 garantissent, parmi tant d’autres instruments, le libre accès à la justice. Au terme de l’article 7 de la DUDH, il est affirmé : « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi… ».
L’égalité dont il s’agit est une égalité réelle qui garantit à tous les citoyens un égal exercice des droits et une égale protection de la loi ». De même, la constitution congolaise du 20 Janvier 2002, énonce l’égalité des citoyens devant la loi et la gratuité de la justice. Le principe de gratuité laisse supposer que les justiciables n’ont plus à payer leurs juges contrairement à l’époque où le juge était pris en charge par ceux qui voulaient ‘’consommer’’ la justice.
Or, ce principe est bafoué au Congo-Brazzaville, par une législation au profit des fortunés. En effet, les lois et règlements en matière judiciaire rendent onéreux l’accès à la justice, ce qui préjudicie la majorité de la population congolaise.
En effet, l’article 8 de la loi 51/83 du 21 Avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière stipule: « le demandeur doit consigner au greffe une provision couvrant les frais normaux de procédure et le cas échéant, ceux de la notification de la décision à intervenir… ». Cette disposition est renforcée par l’article 2 de la loi 022/92 du 20 Août 1992, portant organisation du pouvoir judiciaire en République du Congo, qui précise qu’à la fin du procès, le jugement met les frais à la charge de la partie qui succombe subsidiairement où à proportion de la gravité de leurs condamnations respectives.
Au regard du niveau de vie et de la pauvreté sans cesse croissante des congolais, les coûts légaux, et même illégaux mis à la charge du justiciable,sont un véritable obstacle au principe de la gratuité de la justice au Congo et donc du libre accès à la justice.

Les coûts légaux

-L’article 2 de la loi 022//92 du 20 Août 1992 dispose : «… toutefois à la fin du procès, le jugement met les frais à charge des parties qui succombent… ». L’article 8 de la loi 51/83 du 21 avril 1983 a été traduit dans les faits par le Décret 83/1191 du 29 Décembre 1983 en son article 2 qui fixe à dix milles (10.000) francs le montant forfaitaire de la provision, à consigner au greffe civil. Il précise en outre que le président de la juridiction saisie peut, à la demande du greffier en chef et par ordonnance, déterminer le montant de la consignation à mettre à la charge du requerrant lorsque la somme de dix mille Francs (10.000 F) apparaît insuffisante en raison de la nature de l’affaire et les frais présumés nécessaires. Il va s’en dire que la consignation de cette provision est la condition sine qua non à l’examen de la requête par le tribunal.
-En matière pénale, le dépôt de la plainte par la victime est subordonné à la consignation au greffe d’une certaine somme présumée nécessaire pour couvrir les besoins de l’instruction. Le montant est librement fixé par le juge d’instruction;
-La consignation de la provision (10.000 F) est aussi obligatoire devant la cour d’appel et la cour suprême lorsqu’il s’agit d’exercer le pourvoi en cassation (article 521 du code de procédure pénale) ;
-En matière civile, commerciale, administrative et financière, l’article 108 de la loi 51/83 du 21/04/1983 exige à peine d’échéance, la consignation au greffe de la cour suprême de la somme de 10.000 Francs ; seules sont dispensées de la consignation devant cette juridiction les personnes morales de droit public ;
-En matière sociale où la gratuité de la procédure à tous les degrés a été proclamée par l’article 220 du code du travail, le pourvoi en cassation obéit aux dispositions de la loi 51/83. Ces dispositions sont relatives à la consignation au greffe de la cour suprême de la somme de 10.000 Francs.
-Lors du déroulement de la procédure, que ce soit en matière civile où pénale, les justiciables sont appelés à faire face selon les cas aux frais de transport sur les lieux fixés par le juge. Ces frais sont destinés à couvrir les besoins d’une mesure d’instruction prévue à l’article 145 de la loi 51/83,comme il peut s’agir aussi des frais d’une enquête ou d’une expertise ;
-Quand la procédure arrive à son terme, la partie qui succombe est condamnée aux dépens. Mais dans la pratique, le demandeur désireux de lever la Grosse du jugement doit débourser trente mille (30 000 F cfa) au moins et doit aussi faire face aux droits de timbre et d’enregistrement prévus aux articles 210 et suivants du code général des impôts ; Ces droits s’élèvent à Dix sept mille Francs CFA. Selon cet article, un jugement non enregistré est sensé ne pas exister.
-Par ailleurs, la loi 022/92 du 20/08/1992 prévoit en son article 2 que : « le recours à la Cour Suprême ne peut se faire que par le biais d’un avocat ». Or, le recours à un avocat nécessite le paiement des frais (honoraires) élevés bien souvent au dessus des possibilités financières des congolais moyens. -Aussi, l’exécution des décisions de justice lorsqu’elles interviennent, l’accomplissement de certains actes sont l’œuvre des huissiers de justice (officiers ministériels) qui, exerçant une profession libérale, ne peuvent apporter leur concours qu’autant ils sont payés. C’est dire que l’apport des auxiliaires de justice, du reste obligatoire, ne peut –être effectif que si les justiciables paient leurs honoraires et frais.
Ces différents coûts mis à charge du justiciable rende la justice prohibitive, et sont une cause d’abandon des procédures. Le principe de gratuité devient un vain mot parce que la fortune se trouve à la base de toute action en justice et de l’action de justice.
D’autre part, l’Assistance judiciaire, institution réorganisée par la loi 001/84 du 20/01/1984, qui par le fait de permettre aux démunis de faire valoir leurs droits en justice sans être tenus d’avancer des frais avec le concours gratuit des officiers ministériels et avocats, connaît des problèmes de fonctionnement. Disons simplement qu’elle ne fonctionne pas au Congo. L’inexistence des bureaux d’assistance judiciaires près les tribunaux et les cours, et la modicité des montants de frais fixés pour le paiement des auxiliaires de justice mis à contribution dans les procédures sont un frein à la mise en œuvre de l’Assistance judiciaire.
Tout compte fait, les lois et règlements en matière judiciaire au Congo sont une œuvre de sape du principe du libre accès à la justice et de sa gratuité .C’est là une base de l’inégalité des citoyens devant la loi. Nul n’ignore que le congolais vit avec moins d’un dollar par jour, et que près de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec un pouvoir d’achat ne faisant que dégringoler au jour le jour. Tout porte à croire que l’arsenal juridique portant organisation et fonctionnement de la justice, troisième pouvoir dans un Etat de droit, est en faveur des nantis. La RPDH, pour sa part, interpelle l’opinion publique nationale et internationale au sujet de ces entraves officielles pour un accès libre à la justice. Elle appelle le gouvernement à supprimer les coûts exorbitants liés à la procédure devant les juridictions afin de favoriser le libre accès à la justice pour tous, gage d’un véritable Etat de droit.

Indépendance du pouvoir judiciaire: une réelle fiction!
Dans son message sur l’état de la nation le 13 août 2008 devant le Parlement réuni en congrès, et pour marquer la célébration du 48ème anniversaire de l’indépendance du Congo le 15 août 2008, le Président de la République a souligné la place importante qu’occupe la justice dans la consolidation de l’Etat de droit et le respect des droits humains. A ce propos, il a déclaré que ‘ la justice est la principale mission de souveraineté. Gardienne des libertés, garante de l’Etat de droit, elle est inséparable de la notion même d’Etat. C’est à ce titre que le pouvoir judiciaire dans notre pays assume, avec responsabilité, son indépendance, condition sine qua non de sa crédibilité… ‘. Aujourd’hui, plus d’un observateur averti pourrait se poser la question de savoir si les propos du Président de la République reflètent réellement la réalité ? Le pouvoir judiciaire joue-t-il pleinement son rôle dans la consolidation de l’Etat de droit et le respect des droits humains ?
La constitution du 20 janvier 2002 affirme le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Elle dispose en son article 136 : ‘ le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif. Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi ‘ ; ce qui signifie que la justice doit normalement s’exercer à l’abri de toute intervention injustifiée ou ingérence, et les décisions des tribunaux ne sont pas sujettes à révision.
Si ce principe est sans préjudice du droit du pouvoir judiciaire de procéder à une révision et du droit des autorités compétentes d’atténuer ou de commuer des peines imposées par les magistrats, conformément à la loi, il revient aux magistrats l’obligation de régler les affaires dont ils sont saisis impartialement, d’après les faits et conformément à la loi, sans restrictions et sans être l’objet d’influence, incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit.
Malheureusement, en République du Congo, l’histoire prouve suffisamment que plusieurs affaires judiciaires ont été instrumentalisées par le pouvoir politique si bien que le pouvoir judiciaire a perdu toute indépendance.
-Le procès des ‘ disparus du Beach de Brazzaville ‘ est un cas typique de la manipulation de la justice par le pouvoir. Ouvert au soir du 19 juillet 2005 devant la cour criminelle de Brazzaville, ce procès concernait 15 personnes inculpées (parmi lesquelles de nombreux officiers généraux de l’Armée congolaise) pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre suite à la disparition de plus de 350 réfugiés congolais, revenus au Congo par le port fluvial de Brazzaville en mai 1999. L’arrêt de la chambre criminelle, qui reconnaît que la vérité sur les circonstances de la disparition de ces personnes n’a pu être établie, conclut un simulacre de procès et signe la violation flagrante du droit fondamental des victimes à un recours effectif devant une juridiction indépendante et impartiale. En effet, la Cour criminelle de Brazzaville a décidé, par son arrêt du mercredi 17 août 2005, d’acquitter les 15 accusés, tout en reconnaissant la disparition de plus de 85 personnes lors des affrontements armés de 1999 entre les Forces Armées Congolaises et les Nsiloulou (milices armées) du Pasteur NTOUMI. Alors qu’il s’agissait de statuer sur la responsabilité pénale de chacun des inculpés, la Cour criminelle a préféré statuer sur la responsabilité civile de l’Etat congolais, en reconnaissant celui-ci responsable de ces disparitions, le condamnant à payer 10 millions de francs CFA à chaque famille des victimes; ainsi ce procès a établi un  »crime sans criminel ». En effet, le choix des jurés, les pressions diverses, le déséquilibre entre les droits des accuses et ceux des parties civiles, le climat d’intimidation, l’absence de commissions rogatoires et même de transport sur le lieu des crimes, une instruction insuffisante etc, tout était fait pour obtenir un déni de justice, l’essentiel était de prouver aux yeux de l’opinion publique l’organisation d’un procès, dont en définitive l’objectif était de disculper les présumes accusés. Cette affaire a révélée un grand malaise dans l’appareil judiciaire du Congo, pourtant les articles 140, alinéa 1er de la constitution et 2 (nouveau) de la loi du 15 avril 1999 (sur le Conseil Supérieur de la Magistrature), garantissent l’indépendance de la justice en affirmant: ‘le Président de la République garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire à travers le conseil supérieur de la magistrature’.
– Le procès de Brice MACKOSSO et Christian MOUNZEO a été également révélateur des manipulations politiques. « « Article 136 de la Constitution du 20 janvier 2002: « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif. Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi» » » Les deux personnes, membres de la Coalition congolaise ‘ Publiez Ce Que Vous Payez ‘, arrêtées le 06 avril 2006 puis détenues à la Maison d’Arrêt de Pointe Noire pendant trois semaines, ont été poursuivies pour  »abus de confiance, faux et usage de faux et complicité de faux et usages de faux ». Dans le cadre de cette affaire, l’accusation n’a pu produire les preuves des griefs mis à la charge des intéressés, et le tribunal a tout de même condamné les accusés à un an d’emprisonnement avec sursis et au paiement chacun d’une amende de 300.000 francs CFA. Ce jugement était connu d’avance une année avant le verdict. Au regard d’une procédure montée de toute pièce et menée dans l’arbitraire absolu (irrégularités flagrantes, perquisitions illégales et confiscation des documents, assignation à résidence, appel au meurtre, stigmatisation de leur activité professionnelle, campagne médiatique de dénigrement…), il a été clairement démontré que ce procès visait la neutralisation des principaux militants de la campagne Publiez ce que vous payez et les réduire au silence. L’opinion a bien compris le projet d’utiliser l’appareil judiciaire pour régler un problème politique.
– Cette observation est valable pour le procès organisé contre l’ancien President Pascal Lissouba, les anciens Premier Ministre Bernard Kolélas, Claude Antoine Da-Costa, Jacques Joachim Yhombi-Opango, et les Ministres Norbert Nguila Moungounga Nkombo et Benoît Koukébéné. Ce procès s’est inscrit dans la jurisprudence de la manipulation de la justice par le pouvoir exécutif. En effet, toutes ces personnes ont été condamnées par contumace en décembre 2001 pour haute trahison, crimes économiques, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime de génocide.
Cependant, pour les mêmes faits, les uns ont été amnistiés, les autres ne le sont pas encore.
Pour preuve : en 2005, l’ancien maire de la ville de Brazzaville est rentré au Congo à la faveur d’une amnistie motivée par le décès à Paris de son épouse ; les deux chambres du Parlement avaient voté dans les mêmes termes, la loi amnistiant toutes ces peines infligées à Bernard Kolélas. Le 18 mai 2007, le Conseil des Ministres a adopté le projet de loi d’amnistie en faveur des deux anciens Premiers Ministres du Président LISSOUBA, Claude Antoine Da-COSTA et Jacques Joachim YHOMBI-OPANGO. Aussitôt ce projet de loi d’amnistie adopté par le Conseil des Ministres, les deux chambres (le Sénat et l’Assemblée Nationale) ont été convoquées pour légiférer sur cette amnistie avant la fin de la législature. Mais dans ce dossier, figurent encore sur la liste des condamnés, outre le Président Pascal LISSOUBA, Benoît KOUKEBENE et Norbert NGUILA MOUNGOUNGA NKOMBO dont les peines n’ont pas encore été commuées.
Ici, la justice congolaise a fonctionné à plusieurs vitesses, et les condamnations prononcées contre les anciennes autorités ci-dessus citées nous plongent dans des circonstances similaires que celles ayant prévalu lors des Procès de Nuremberg et de Tokyo en 1945 car les vainqueurs de la guerre ont jugé et condamné les vaincus. En d’autres termes, c’est pendant le Forum National pour la Réconciliation, l’Unité, la Démocratie et la Reconstruction du Congo (tenu du 05 au 14 janvier 1998) qu’a été dressé par les participants (sélectionnés en grande partie par le pouvoir actuel) un sévère réquisitoire contre le Président LISSOUBA et tous ses alliés, les qualifiant d’auteurs du crime de génocide.
Pour conclure, les condamnations prononcées en 2001, n’ont été que, si l’on ose dire, la ‘transformation juridique’ d’une condamnation politique décidée en 1998 au Forum.
Articles 140, alinéa 1er de la constitution et 2 (nouveau) de la loi du 15 avril 1999: « le Président de la République garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire à travers le conseil supérieur de la magistrature ».
Le procès de Christian PERRIN, Directeur des informations de la Chaîne locale de Télévision TPT (Télé Pour Tous) a une fois de plus mis à nue une machination politique, dont le but consistait a régler des comptes a un journaliste ne manipulant pas la langue de bois. D’abord Interpellé et interrogé le 18 juillet 2008 dans les locaux de la Direction Départementale de la Surveillance du Territoire et relâché le même jour puis incarcéré le 21 juillet, Christian PERRIN a été accusé de délit de presse pour avoir semble-t-il permis la diffusion d’une émission intitulée ‘ Franc Parler ‘. Au cours de cette émission animée par deux autres journalistes de la Chaîne susmentionnée, les invités, notamment deux leaders de l’opposition et ex-ministres auraient tenu selon le pouvoir des propos incitant la population à la violence dans le cadre des événements survenus à Pointe Noire lors des obsèques de Monsieur Jean-Pierre THYSTERE TCHICAYA, ancien Président de l’Assemblée Nationale et leader du Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès Social. Lorsque ce sont les hommes politiques, qui décident de la qualification des faits, il n’est pas tâche aisée pour les juges de rapporter les preuves et de prononcer la sentence correspondante. En d’autres termes, dans cette affaire, le Ministère Public n’a pu apporter les preuves convaincantes pour n’avoir pas pu visionner la bande de l’émission incriminée et produire les scellés devant le tribunal. Pire, les juges sur interdiction des ténors du régime actuel n’ont manifesté aucun intérêt à entendre le Chef des Programmes de TPT et les deux invités de l’émission, qui ont bien voulu témoigner en donnant leurs versions des faits. En réalité, l’opinion publique nationale a compris que Christian PERRIN a été poursuivi pour des motifs inavoués. Les reportages sur l’état de la ville de Pointe Noire ‘municipalisée’ faits par la Chaîne de télévision qui l’emploie seraient-ils la goutte d’eau qui a fait déborder le vase? C’est donc à tort que Christian PERRIN a été condamné le 07 août 2008 au paiement d’une amende de 500.000 francs CFA pour délit de presse.
Toutes les affaires que l’on vient de citer montrent à quel point, la justice congolaise est à la commande. Les sentences prononcées contrarient les propos du Président de la République lorsque dans son discours du 13 août 2008, il a déclaré que ‘…depuis onze ans, au Congo : aucune prison n’a enregistré de détenu politique ; aucun journaliste n’a été condamné ni emprisonné…’. Mais à quand des poursuites judiciaires contre les auteurs des scandales économiques et financiers en République du Congo ? Même lorsque le procès Kensington, organise a Londres contre des hauts fonctionnaires congolais proches du pouvoir avait démontré comment le gouvernement avait pu mettre en place un système complexe de commercialisation du pétrole par des sociétés écrans, le témoignage du patron de la SNPC (Société des Pétroles du Congo) devant le juge britannique n’a souffert d’aucune ambiguïté : il avait reconnu avoir personnellement gagné de l’argent au détriment du Trésor Public Congolais. Le Premier Ministre, pour sa part, avait publiquement et officiellement admis courant 2006, que le gouvernement avait été obligé de gérer les revenus pétroliers par des méthodes peu orthodoxes pour se prémunir des fonds vautours.
Au Congo, la justice n’existe que pour les faibles. A cause de cette dépendance de la justice à l’exécutif, la démocratie congolaise n’est pas seulement en danger, elle est réduite à l’expression d’une simple incantation. Ainsi, ‘ le principe de la séparation et de la collaboration harmonieuse des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ‘ auquel fait allusion le Président de la République se trouve rompu à cause de nombreuses immixtions de l’Exécutif dans le Judiciaire. Les affaires ci-dessus rapportées, au regard des circonstances, qui ont motivé toutes les sentences prononcées, prouvent qu’ en République du Congo, le pouvoir judiciaire ne jouit d’aucune indépendance, et ceci en violation de l’article137 de la Constitution. Il devient impératif d’asseoir une véritable démocratie respectueuse de la séparation des pouvoirs, de garantir l’indépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature, en y expurgeant la présence du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et en faisant élire les membres par leurs pairs plutôt que de les nommer, en dotant la magistrature des moyens équivalents à sa mission, en adoptant des réformes en matière de lutte contre la corruption dans l’appareil judiciaire, ainsi qu’en révisant le statut des magistrats et y impliquer la société civile.


POINTE-NOIRE ET LE TRAFIC D’ENFANTS, UNE MOBILISATION S’IMPOSE!

Depuis de nombreuses années, le Congo Brazzaville accueille des communautés étrangères notamment de l’Afrique de l’ouest, souvent intégrées dans le commerce. Le témoignage des violences d’enfants étrangers autour des marchés de Pointe-Noire a suscité des recherches menées courant 2004-2007. Celles-ci ont permis de mettre en évidence le phénomène d’exploitation d’enfants, la soumission d’enfants a l’esclavage. Cette activité a pu déterminer le parcours de ces enfants depuis leur pays d’origine jusqu’au Congo, et démonter ainsi un réseau de trafic d’enfants depuis le Bénin.

Le commerce de la honte
Ces enfants, pour la plupart viennent des villages lointains de Porto Novo (Natingou, Djougou, Sakité, Kétou, Pobé, Iweré) et sont agés de 8 à 10 ans. Au départ, le trafiquant consulte un démarcheur, qui lui-même prend contact avec la famille et encaisse au préalable une caution de deux cents mille francs CFA ‘ 200.000 FCFA ‘ sur l’opération. De cette somme, Cinquante mille francs CFA ‘ 50.000 FCFA ‘ sont reversés à la famille. Pour sa part, l’enfant est victime de promesses mirobolantes: bonnes études, formation ou apprentissage d’un métier etc. Par naïveté, certains parents, plutôt inconscient d’engager leurs progénitures dans un trafic, consente avec joie la réalisation de l’opération; et vont même jusqu’à faciliter l’adoption, pour que le départ se passe sans embûche.
Pour faciliter le voyage, les autorités villageoises sont impliquées afin qu’elles établissent des nouveaux actes administratifs; ainsi l’enfant porte alors le patronyme de son futur maître. Ce qui, dans ces conditions, facilite énormément l’obtention des saufs conduits; et l’enfant voyage normalement avec son ‘ père ‘ou sa ‘ mère ‘. Une fois au Congo, la désillusion s’installe, tellement la situation est difficile, voire inhumaine. Ces enfants travaillent toute la journée sans repos, soit au marché, soit à la maison. Il est ainsi fréquent de voir des petites fillettes vendre sur des tables ou dans le commerce ambulants des  »toffis », yaourt, noix de coco sucrées, bissap…Ils travaillent sans rémunération. Ils sont sévèrement battus en cas de perte d’argent ou d’insoumission.
Lorsque l’enfant devient insupportable, il est alors envisagé son rapatriement, qui s’exécute en deux modules selon la situation du rapatrié :
-Un arrangement avec la colonie (béninoise ou togolaise) peut sous tendre un rapatriement. L’enfant peut avoir la chance de rentrer avec une valise d’habits et une somme de 50000 F CFA.
– Lorsque le maître a de bonnes relations au sein de la colonie, l’enfant est expulsé dans des conditions humiliantes, parfois avec l’aide des services de la police congolaise; l’enfant étant alors accusé de vol, de détournement de sommes d’argent incroyables. Sans possibilité de se défendre, et sans avoir eu une compensation pour ses années de travail, il est enfermé dans une chambre jusqu’au prochain vol de son rapatriement. En l’occurrence, il s’agit de plusieurs de ses années mises entre facteurs, des années perdues, pour lesquelles, il aura usé son enfance, ce qui aura fait de lui un enfant sans enfance.
Conscient de ces rapatriements sans indemnités pour les jeunes filles, un réseau de femmes s’est créé. Loin d’être un réseau de solidarité, ces femmes demandent juste aux enfants pendant qu’elles sont encore en activité ou en bon terme avec leurs maîtres de leur voler de l’argent afin de constituer une épargne pouvant servir en cas de rapatriement.
Le quotidien d’un enfant esclave travaillant au marché :
Au premier appel du muezzin à 04 h00, l’enfant est averti. Au second appel à 04 h30, il est debout pour une journée sans fin: nettoyage de la maison, vaisselle, lessive, y compris les sous-vêtements du maîtres. A 06h00, accompagnement des ‘pousse-pousse’ conduits par les sujets du Congo Démocratique, chargés de marchandises et installation sur les tables au marché avant l’arrivée du patron ou de la patronne généralement appelée ‘ papa ou maman’. Cette dernière arrive au marché à 7h00. A côté de cette maman, son rôle se limite à appeler les clients, emballer les marchandises achetées, et demander la monnaie auprès des autres commerçantes. A 16h30, la marchandise est rangée pour être ramenée au dépôt à partir de 18h00. L’enfant aide le pousseur à soulever les marchandises et l’accompagne au dépôt. La journée se termine avec la toilette des enfants du maître, aide à la cuisine du soir, assaisonner les aliments, casser le bois de chauffe… de 23h a 3h, il doit puiser l’eau et va se coucher après cette tache au débarras, au salon, parfois sans matelas et moustiquaire. Comme quoi, la Déclaration des droits de l’homme, la Convention sur les droits de l’enfant, la Déclaration africaine sur les droits de l’enfant demeurent encore au Congo des textes sans obligation effective.

ARRESTATION ARBITRAIRE
Le 29 novembre 2008, Nsonguissa Moulangou, membre de l’UPADS-Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale, a été arrêté au cours d’un meeting politique au bar dancing ‘’Balcon Bleu’’ dans le quartier Makazou, 7eme arrondissement de Brazzaville. Il a été interpellé par la Direction générale de la surveillance du territoire, avant d’être écroué a la Maison d’arrêt de Brazzaville, aux motifs ‘’ d’atteinte a la sûreté intérieure de l’Etat et de propagation de fausses nouvelles’’. En effet, Nsonguissa, exilé en France, était revenu au Congo, porteur d’un message audiovisuel de l’ancien Ministre des Finances, lui-même exilé et condamné par contumace a 20 ans de travaux forces pour ‘’détournements des deniers publics’’. Dans cette adresse, l’ancien ministre en appelé au rassemblement de son parti l’UPADS et critiqué la gestion chaotique du patrimoine de l’Etat ainsi que la confiscation des libertés par le pouvoir actuel. Il a également été reproché à Nsonguissa Moulangou de faire l’apologie d’un condamné. En réalité, cette arrestation arbitraire cache très mal la nervosité et l’intolérance qui habite le pouvoir, incapable d’intégrer un véritable discours d’opposition. Ces manœuvres participent de l’intention d’embrigader l’opinion au cours d’une période extrêmement sensible, lors de laquelle, les congolais seront bientôt appelés à choisir le nouveau Président chargé de conduire les destinées du pays et de le sortir du marasme dans lequel il se trouve. Ce détenu politique a été libéré sans que la justice n’ait eu à prouver l’incrimination. Nsonguissa a été libéré, mais sa détention a confirmé une volonté d’intimider et de réprimer la manifestation des divergences face au pouvoir. L’article 20 de la Constitution en ses articles 9 et 19 dispose que ‘’ nul ne peut être arbitrairement accusé, arrêté ou détenu’’, ‘’ tout citoyen a le droit d’exprimer librement son opinion par la parole, l’écrit, l’image ou tout autre moyen de communication’’. La RPDH s’inquiète de ce que les lois et règlements de la République soient ainsi impunément violés par ceux la mêmes dont la mission est d’assurer l’intégrité et le respect de ces normes, comme si l’on était dans une république bananière. Il est naturel qu’à la veille d’une élection présidentielle, le débat politique soit contradictoire et éveillé, or la surchauffe actuelle montre les mauvaises dispositions d’esprit quant à accepter un processus électoral loyal. Un sursaut républicain est aujourd’hui nécessaire.

EXPLOITATION DU PETROLE ET LES DROITS HUMAINS AU CONGO BRAZZAVILLE

I.Contexte
1. La République du Congo (ci-après nommée Congo) est un pays riche en ressources naturelles. Le pétrole, exploité depuis 1959 fait du Congo le cinquième plus important producteur de pétrole en Afrique . Sa production on shore et offshore a rapporté en 2005 plus de 4 milliards de dollars ($US) au pays. Cependant, la présence de richesses naturelles ne s’est pas accompagnée de la mise en place des droits économiques et sociaux pour les habitants du pays qui sont moins de 4 millions, ni la réalisation d’un développement durable possible grâce aux fonds dégagés par l’exploitation du pétrole. Au contraire, des faits concrets démontrent que plusieurs violations graves des droits humains surviennent dans le cadre de son exploitation.

Exemple de tubercules de manioc asséchés extrait de la zone d’exploitation pétrolière

2. Ce rapport se concentre sur les effets de l’exploitation du pétrole sur les droits de l’homme dans le département de Kouilou où l’exploitation onshore se déroule depuis 2000 (à l’exception de Loango où les activités pétrolières ont commencé dans les années 1970 et de Ndjeno où le Terminal TOTAL a été installé en 1969). Les informations ont été recueillies dans le cadre d’enquêtes réalisées dans les localités de Ndjeno, Loango, Holl Moni, Bondi, Tchikanou, Mboukou, Mboubissi, Tchintanga, Tchimboussi, Ntot’U’Siala et Mengo.

II.Engagements internationaux
3. Le Congo a ratifié nombreux traités régionaux et internationaux dont la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) qui a largement inspirée la Constitution du pays; le Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux (PIDESC) et la Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP); la Convention sur les droits des enfants (CDE); la Convention sur élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF); ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
III.Respect des obligations internationales en matière de droits humains.
A) Situation dans les communautés de Kouilou
4. L’État congolais a permis à des compagnies telles que la franco-congolaise Zetah M&P et la compagnie française TOTAL E&P d’opérer dans le département du Kouilou en utilisant des techniques qui contaminent l’environnement et qui ont des conséquences profondes sur les droits humains et la santé des populations. Bien que les activités de Zetah M&P soient maintenant sous la direction de la compagnie italienne ENI, les violations persistent.
5. Pollution de l’eau et des sols: De nombreux cours d’eau et des nappes phréatiques utilisées par les populations sont pollués par le déversement d’hydrocarbures (pétrole brut). À titre d’exemple, un accident s’est déroulé en novembre 2004 provoquant un déversement important de pétrole dans la rivière Samba: la principale source d’eau du village de Tchikanou. Cette catastrophe s’est propagée et a contaminé l’ensemble du réseau hydrique, notamment d’autres sources d’eau et la nappe phréatique. De plus, l’enfouissement de brut, de sous-produits de brut et d’autres déchets est fait contrairement aux meilleures pratiques dans ce domaine. Les barrières protectrices pour éviter les infiltrations dans le sol sont inadéquates. Dans certains cas, comme à Mboukou, le brut et les déchets sont simplement déversés sans protection. Cela semble affecter la qualité et la fertilité des sols et atteint possiblement les nappes phréatiques. L’eau et la pluie répandent les produits pétroliers sur le sol où ils s’infiltrent et dans les sources d’eau. Les populations voient des flaques d’huile sur l’eau et affirment que le poisson goûte le pétrole. Dans plusieurs villages, les récoltes sont maintenant moins abondantes et de moins bonne qualité. À Ndjeno, à Tchintanga, à Tchimboussi et à Tchikanou, les racines de manioc sèchent ou moisissent parfois avant d’être matures. Les populations ne savent pas contrôler si leur bétail consomme des eaux et herbes contaminées.
Des indemnisations symboliques sont parfois octroyées à la demande des populations, mais ces dédommagements sont faits de façon sporadique et arbitraire.
6. Pollution de l’air: Le processus d’extraction du pétrole brut fait remonter à la surface des gaz associés. Ceux-ci sont parfois relâchés sous forme de gaz brûlés (torchés). Il y a huit (8) torchères au sein ou à proximité des villages. La plus proche est à une cinquantaine de mètres des habitations, alors que les plus éloignées sont à une distance variant entre 1 et 2,5 km. Dans certaines localités, le gaz dégagé a une odeur nauséabonde qui ressemble à celle des œufs pourris. Cette odeur caractéristique indique une présence significative de sulfure d’hydrogène (H2S) dans l’air. Le gaz, même à de faibles concentrations, est extrêmement corrosif et toxique. Cette situation est particulièrement problématique près de Ndjeno où les populations sont constamment confrontées aux odeurs nauséabondes, surtout en soirée. Le gaz attaque et détériore l’odorat de la victime et, à certaines concentrations, peut être fatal. Sa présence dans les localités ciblées est également corroborée par la présence de pluies acides qui se forment suite au mélange d’eau et de H2S.
D’après les populations locales, l’eau de pluie, qui arrose leurs champs, a souvent une couleur noire et ne peut être bue ni servir à la lessive.

 

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