Brazzaville-Pointe Noire, le 08 mars 2015. Commémorée le 08 mars de chaque année de manière festive, la journée internationale de la femme devrait être un moment de réflexion. Ces dernières années, on constate avec amertume que peu de temps est accordé à une analyse de la condition socioéconomique et culturelle de la femme.
Réduire les discriminations et les violences à l’égard des femmes : un impératif catégorique !
La République du Congo a certes ratifié l’ensemble des instruments internationaux de promotion et de protection des droits de l’homme, et en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme le 26 juillet 1982, dont la consécration constitutionnelle se traduit de manière explicite à travers les dispositions de l’article 8 de la Constitution du 20 janvier 2002 qui, tout en affirmant le principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, reconnaît en ses alinéas 3 et 4 l’égalité de sexes et leur représentativité à toutes les fonctions politiques, électives et administratives.
Par ailleurs, pour respecter ses engagements internationaux, le Congo a élaboré une politique de promotion de la femme en 1999, un plan d’action sur le même objet en 2000-2002. Cet instrument de protection vient s’ajouter à la commission de révision et de rédaction des lois de la République du Congo, mise en place en août 2009; cette commission avait pour objet de contribuer notamment à la révision du Code de la famille et du Code pénal afin de combler certains vides juridiques et réformer certaines dispositions discriminatoires, ainsi qu’adopter une nouvelle loi électorale en septembre 2014 qui encourage les candidatures féminines aux élections locales. Il importe également de relever qu’un ministère chargé spécialement des questions de la femme a été créé en 2005. Des activités sont menées par ce ministère pour éliminer la discrimination dont la femme est victime au quotidien ; cependant ces actions sont insuffisantes.
Bien qu’on observe une évolution dans la reconnaissance des droits de la femme au Congo, on ne peut affirmer aujourd’hui qu’elle jouit pleinement de tous les droits que consacrent les instruments juridiques internationaux. En effet, la RPDH constate la persistance de plusieurs discriminations et violences faites aux femmes. Dans les zones rurales les femmes sont réduites aux travaux champêtres. Elles ont des conditions de travail pénibles. D’après le rapport national des progrès vers l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement de 2010, les femmes représentent près de 70% des actifs agricoles, 13% d’éleveurs de volaille, 60% dans la pêche où elles interviennent dans le salage et le fumage des poissons. La question de l’autonomisation économique des femmes se pose donc avec beaucoup d’acuité.
Les femmes congolaises sont très souvent victimes de violence conjugale. Les pesanteurs culturelles sont telles que les tribunaux enregistrent très peu ou pas du tout de plaintes sur les mauvais traitements. La situation des filles-mères n’est guère enviable. Ces filles sont abandonnées à elles-mêmes. Elles sont donc obligées de se débrouiller pour subsister et s’occuper de l’éducation de leurs enfants en quittant très tôt les bancs de l’école.
Le taux d’abandon scolaire chez les filles est à la hausse. Sur 100 élèves qui commencent l’école, moins de 60% atteignent le Cours Moyen II, moins de 30% accèdent à la sixième. Ce phénomène s’aggrave au fil des années. Le problème résiderait dans la persistance de l’attribution d’un rôle de subalterne à la femme et la discrimination dont elle fait l’objet au sein de sa famille fait que les filles sont considérées comme des sources de revenus à travers l’usage traditionnel de la dot.
Au niveau universitaire, les étudiantes congolaises sont généralement victimes, non seulement de toutes formes de violences verbales et psychologiques, mais surtout d’harcèlement sexuel de la part des enseignants véreux qui, abusant impunément de leur parcelle de pouvoir, les menaceraient souvent de redoublement pour les convaincre de céder.
Du point de vue de la santé, la femme congolaise souffre d’un manque d’accès à des services de santé adéquats, notamment en raison du manque d’infrastructures sanitaires et de ressources humaines et financières. Les femmes sont, de façon générale, plus touchées par le VIH-SIDA que les hommes. Par ailleurs, le faible taux d’emploi de contraceptifs contribue au fort taux de grossesses précoces. A cela s’ajoute le phénomène de la prostitution. Cette pratique touche de plus en plus les tranches d’âge les plus basses. C’est ainsi que l’incidence des maladies sexuellement transmissibles est très forte chez les femmes.
Dans le domaine de l’emploi, il se dégage une sous représentation des femmes. On les retrouve généralement dans deux secteurs : l’enseignement et la santé. Très peu de femmes arrivent à accéder à des postes de direction. Concernant la participation des femmes au processus de prise de décision, il est noté une baisse du nombre de sièges occupés par les femmes au parlement national. Selon le rapport national des progrès vers l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement de 2010, de 14% en 1990, la proportion de sièges occupés par les femmes a baissé à 12% en 2005 puis à 6% dans l’actuel parlement. Une étude sur la situation de représentation des femmes dans les autres institutions de la République réalisée en 2008 indique : 5 femmes sur 39 (12,8%) au Gouvernement, 4 sur 21 (9,5%) à la Cour Suprême, 6 sur 36 (16,7%) à la Haute Cour de justice, 1 sur 9 (11,1%) à la Cour Constitutionnelle ; 12% dans les conseils départementaux et municipaux.
Face à cette défaillance en matière de promotion des droits de la femme, la RPDH formule les recommandations ci-après au Gouvernement de la République de :
– Se conformer aux dispositions de la Constitution du 20 janvier 2002 et des différents instruments juridiques internationaux dument ratifiés par le Congo relatifs à la promotion et protection des droits de l’homme en général, et des femmes en particulier, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme, en vue de promouvoir l’égalité des sexes et de garantir une plus grande participation des femmes dans la gestion des affaires publiques ;
– Prendre des mesures idoines pour lutter contre les discriminations et violences faites à la femme, aux fins de garantir l’intégrité physique et morale de la femme en général, et des victimes de violations en particulier ;
– Eliminer les obstacles à l’éducation des filles et des femmes en assurant le maintien des filles dans le système éducatif, en particulier, des élèves enceintes et en luttant contre le phénomène de harcèlement sexuel en milieu estudiantin et professionnel;
– Assurer l’accès des femmes à la santé, notamment l’accès des femmes à la contraception, en particulier dans les zones rurales ;
– Assurer l’accès des femmes à la justice ;
– Eliminer les pratiques culturelles et les stéréotypes discriminatoires à travers des campagnes de sensibilisation ;
– Ratifier le protocole facultatif relatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme entrée en vigueur depuis janvier 2009.
Fait à Pointe- Noire, le 08 mars 2015