Paix et Droits de l'homme

Combattre l'injustice et l'arbitraire pour construire la Paix

15 novembre 2015

La Communauté internationale ne doit pas reconnaître les résultats du référendum du 25 octobre 2015

La Campagne Tournons la Page – Congo (TLP-Congo) appelle la communauté internationale à ne pas reconnaître le référendum du 25 octobre 2015 et ses résultats.

Malgré l’annonce par les autorités d’une victoire écrasante du « oui » et d’une « participation massive » de l’électorat au référendum du 25 octobre 2015, TLP – Congo attire l’attention de l’opinion nationale et internationale que ce scrutin ne pouvait en aucun cas être considéré comme une consultation du peuple congolais. La rapidité dont ont fait preuve les autorités dans la publication des résultats et du taux de participation (moins de 48 heures) confirme le scénario de résultats préfabriqués. Par cette curieuse prouesse, le système électoral congolais devient-il ainsi le plus performant sur le continent africain ? Afin de faire la lumière sur les résultats de ce scrutin, TLP – Congo demande ainsi aux autorités compétentes de publier la totalité des procès-verbaux émanant des bureaux de vote. La loi électorale exige que les résultats provisoires soient affichés devant chaque bureau de vote, mais cette procédure n’a dans l’ensemble pas été respectée.

Si la Constitution a été promulguée le 6 novembre 2015, elle n’a aucune légitimité étant données les raisons de son élaboration, et les conditions entourant la campagne et le scrutin, qui attestent d’un exercice autoritaire du pouvoir, et de l’organisation planifiée d’un coup d’Etat constitutionnel.

TLP – Congo rappelle les conditions de répression et d’entraves à la liberté d’expression observées depuis la manifestation du 17 octobre : interdiction des manifestations pacifiques prévues le 20 octobre, déploiement massif des forces de l’ordre sur toute l’étendue du territoire, tirs à balles réelles sur des manifestants non armés, usage abusif de gaz lacrymogène (largué par hélicoptère au-dessus de certains quartiers de Brazzaville), coupure des services de messagerie téléphonique, de l’internet mobile, de l’émission de plusieurs radios, destruction des preuves mettant en cause les forces de l’ordre (cartes mémoire des téléphones etc.), dispersion des groupes à partir de trois personnes dans de nombreux quartiers, interruptions de messes à Pointe Noire le 25 octobre, arrestations et détentions arbitraires et illégales, intimidations de journalistes, assignations à résidence des opposants politiques, etc.

A ce jour, aucune enquête officielle crédible n’a été menée afin de déterminer le bilan humain exact de cette période. Les enquêtes menées par les partis d’opposition et des éléments de la société civile ont toutefois révélé plus d’une dizaine de morts et plusieurs dizaines de blessés pour la seule ville de Pointe Noire. Ce bilan, non exhaustif, est déjà bien éloigné du bilan officiel annoncé par les autorités. Aucune annonce ou enquête officielle n’a tenté de répondre aux accusations portant sur la présence d’éléments étrangers au sein de l’armée, ne parlant ni français, ni lingala, ni kituba, en première ligne le 20 octobre. Quelle serait la signification de l’utilisation de troupes étrangères pour appliquer les ordres de répression face aux manifestants non armés ? Le gouvernement aurait pourtant un intérêt certain à expliquer ces décisions, qui laissent entrevoir l’isolement du régime en place, en décalage par rapport à une armée qui ne serait pas prête à exécuter de tels ordres et à le suivre dans une politique extrémiste et criminelle.

A ce jour, si le calme semble être revenu, des manifestants, et un journaliste ayant couvert la manifestation du 17 octobre, se cachent toujours afin d’échapper à des tentatives d’arrestations. Pour quels motifs ces personnes sont-elles harcelées par les autorités ? Le gouvernement congolais, qui défend si ardemment la liberté du peuple de s’exprimer sur la vie politique du pays, ne supporte-t-il pas qu’une partie de la population affiche clairement un avis contraire ?

TLP – Congo s’indigne de ce qu’aucune mesure ne soit prise pour établir une version claire et crédible des faits, et la responsabilité de chacun dans ces épisodes violents. Le gouvernement congolais semble entretenir une stratégie de désinformation et persister dans une attitude de déni de la réalité. Cependant, comment ce gouvernement pourra-t-il à nouveau gagner la confiance du peuple alors qu’il n’a toujours pas reconnu sa responsabilité entière et indéniable dans la mort de dizaines de Congolais ?

Ces pratiques traduisent la volonté des autorités d’instaurer un état d’urgence de fait et un climat de terreur, et trahissent le discours officiel qui tente de justifier l’usage de la force publique par la défense de la population contre des groupes prêts à semer le chaos. En conséquence, TLP-Congo appelle la communauté internationale à ne reconnaître ni le référendum du 25 octobre ni ses résultats.

Alors que la nouvelle Constitution a été promulguée, le gouvernement n’a toujours pas daigné éclairer sur l’avenir politique du pays et notamment sur la transition vers une nouvelle loi fondamentale qui s’annonce problématique. En l’absence de loi préalablement établie, des mesures transitoires ont été insérées dans le nouveau texte, qui ne permettent cependant pas une transition claire et lisible. Il semble qu’une mise en place au cas par cas soit envisagée, au risque de créer un décalage dangereux entre les différentes institutions de la République, régie par deux Constitutions différentes. Une instabilité institutionnelle résultera nécessairement de ce renversement illégal des institutions, et le contrôle de la population par les armes confirme que ce processus est en réalité un véritable coup d’Etat.

La démocratie et la paix passent par la justice, le respect du droit, et l’amélioration de la gouvernance, en particulier électorale.

TLP-Congo demande ainsi à la communauté internationale :
– d’exiger une enquête indépendante sur les exactions commises par les forces de l’ordre,
– d’exiger la garantie de la liberté d’expression et d’association et de l’intégrité physique et psychologique des activistes de l’opposition et de la société civile,
– d’exiger la libération inconditionnelle de toutes les personnes arrêtées et détenues dans le cadre de la campagne citoyenne d’opposition au changement de la Constitution,
– de demander la publication immédiate de la totalité des procès-verbaux émanant des bureaux de vote et attestant de la véracité des résultats promulgués,
– d’assister techniquement le Congo pour la refonte du fichier électoral, la mise en place d’une Commission électorale véritablement indépendante et l’organisation d’élections présidentielles transparentes au terme du mandat actuel du Chef de l’Etat,
– d’appeler à un dialogue large afin de résoudre ce conflit, incluant les autorités en place, les partis d’opposition et la société civile.

Pour les organisations de la société civile congolaise, membres de la Campagne Tournons La Page :

01. Action Evangélique pour la Paix (AEP)
Mme Nelly Espérancia MFOUTOU KADO
02. Cercle des Droits de l’Homme et de Développement (CDHD)
Roch Euloge NZOBO
03. Commission Diocésaine Justice et Paix (CDJP)
Brice MACKOSSO
04. Commission Episcopale Justice et Paix (CEJP)
Abbé Félicien MAVOUNGOU
05. Fondation Niosi
Samuel NSIKABAKA
06. La Conscience Libre
Wilfried KIVOUVOU
07. Mouvement pour la Culture Citoyenne
Anthyme BAYIMINA
08. Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH)
Trésor NZILA KENDET
09. Plateforme pour le respect de la Constitution du 20 janvier 2002
Alex DZABANA WA IBACKA
10. Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH)
Christian MOUNZEO
11. Réseau d’Association des Jeunes Leaders Congolais (RAJLC)
Me Welcom NZABA

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