Pointe-Noire-Brazzaville, le 10 décembre 2013. L’humanité célèbre la Journée Internationale des droits de l’homme sur le thème : « 20 ans au travail pour vos droits ». La Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH) se joint à la communauté internationale pour célébrer ces deux décennies d’engagement du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme en faveur des droits de tout un chacun.
Congo-Brazzaville : Célébration sur fond de déficits en matière de respect et de mise en œuvre des droits de l’Homme au Congo !
Ce thème rend hommage aux vingt ans d’existence du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH), créé sur la base de la résolution 48/141 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 20 décembre 1993, et dont le travail s’inspire de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des autres instruments relatifs aux droits humains, dont la Déclaration et le Programme d’Action de Vienne de 1993 ainsi que le Document Final du Sommet Mondial de 2005 ; instruments majeurs ayant redynamisé l’engagement des Etats à promouvoir et protéger lesdits droits.
L’engagement en faveur du respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux de tous les êtres humains en général et des congolais en particulier, constitue le fondement de l’action de la RPDH depuis plus d’une décennie. L’organisation déplore qu’à l’occasion du soixante cinquième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée à Paris le 10 décembre 1948, la situation des droits humains demeure préoccupante au Congo, en dépit de la libre adhésion du pays aux diverses conventions régionales et internationales relatives aux droits de l’homme.
Ce faisant, bien que des avancées s’observent du point de vue de l’exercice de certains droits, tels l’amélioration des conditions de vie en milieu carcéral, la construction et l’équipement de centres de santé intégrés, la mise en œuvre du projet « eau pour tous », dont l’objectif est d’apporter l’eau potable en milieu rural ; la construction et l’équipement en table bancs de certains établissements scolaires à l’intérieur du pays et dans les grandes agglomérations, et la gratuité (quoi que non effectif intégralement) de certaines catégories de soins de santé, beaucoup reste à faire car les politiques actuelles ne sont guère parvenues à garantir le bien-être de la majeure partie de citoyens, qui ne demandent qu’à jouir de leurs droits économiques et sociaux. Ceci, en dépit de l’embellie et des potentialités économiques dont jouit le pays, qui devait se traduire par le développement et l’amélioration des conditions de vie des populations.
L’accès aux droits économiques et sociaux reste une préoccupation majeure. Le droit à l’éducation par exemple, quoique garanti par la Constitution du 20 janvier 2002 et par la Déclaration universelle des droits de l’homme, n’est pas respecté. De façon générale, les élèves congolais étudient dans des conditions précaires qui ne facilitent nullement leur apprentissage. Nombre d’établissements scolaires manquent encore de tables bancs et on trouve de nos jours plusieurs élèves qui prennent leurs cours à même le sol au Congo.
Bien qu’équipés pour le cas des grands centres tels le Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaville ou encore l’Hôpital Général de Dolisie, les structures sanitaires manquent pour la plupart de personnel soignant, et de produits de première nécessité, particulièrement en zone rurale. L’eau demeure une denrée rare même dans les grandes villes, où certains quartiers ne sont guère approvisionnés tout un trimestre durant. Les habitants de l’OCH, quartier populaire du 1er arrondissement de Pointe Noire, passent régulièrement plus de trois mois sans accès à l’eau ; le même sort est réservé aux habitants de grands quartiers de Brazzaville comme Moukondo, Mfilou, etc.
Le domaine des droits civils et politiques présente aussi un tableau sombre. Les atteintes aux libertés publiques et privées sont encore nombreuses, au même titre que la torture, les arrestations arbitraires et exactions diverses, le plus souvent le fait de la force publique.
La RPDH a recensé cette année une recrudescence de violences vis-à-vis des journalistes et syndicalistes, inquiétés dans l’exercice de leur profession, notamment suite à la grève qui a paralysé le secteur de l’enseignement deux mois durant, donnant ainsi lieu à une campagne de harcèlement et d’intimidations à l’encontre des dirigeants de la CRPE (Concertation pour la Revalorisation de la Profession d’Enseignant), mouvement syndical à l’origine de la grève.
Les agissements du Conseil Supérieur de la Liberté de Communication (CSLC), marqués par une suspension abusive des médias de la presse écrite, sont de nature à limiter l’exercice du droit à l’information et à la communication, tout comme à instaurer une forme de censure, pourtant prohibée par la Constitution. Les journalistes congolais exercent ainsi dans un climat délétère qui ne peut favoriser l’exercice de la démocratie. Dans l’affaire des explosions du 04 mars 2012 à Brazzaville, on a insisté à une détention de plusieurs personnes citées dans ce dossier, dont les délais sont allés bien au-delà de toute prescription légale.
Les droits de la femme sont encore un sujet de préoccupation majeure, avec la faible implication de ces dernières dans les instances de décision et la poursuite de violences multiformes à leur encontre, sans qu’une législation spécifique et dissuasive ne vienne sanctionner ces pratiques. Le cas de Flore BARROS, du nom de cette citoyenne congolaise plongée dans le dénuement total depuis la perte de l’usage de ses membres inférieurs suite aux violences infligées par un sujet libanais à Pointe-Noire, est une illustration de cet état de fait.
La RPDH estime que l’ensemble des droits de l’homme sont interdépendants. L’exercice d’un droit contribue à promouvoir les autres droits et qu’à l’inverse, la privation d’un droit compromet l’exercice des autres. C’’est pourquoi, l’organisation plaide en faveur de l’intégration d’une approche globale du Gouvernement congolais, dans sa politique de protection et de promotion des droits de l’homme.
Les autorités devraient consentir de gros efforts pour combler tous les déficits recensés en matière de droits humains, en accordant tout d’abord une plus grande marge de manœuvre à l’institution nationale des droits de l’homme que constitue la CNDH, mais aussi en veillant à la stricte application du contenu des dispositions des différents traités et conventions relatifs aux droits de l’homme auxquels le pays a adhéré.
La RPDH estime nécessaire que le Gouvernement mette plus de sérieux dans le cadre de la satisfaction des engagements pris lors du second Examen Périodique Universel du Congo en octobre 2013 par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. La mise en œuvre des Recommandations résultant de cet examen, permettra d’améliorer l’environnement et l’exercice des droits humains au Congo ; la crédibilité du pays vis-à-vis des autres Etats membres du Conseil s’en trouverait accrue.
Au regard des violations des droits et libertés ci-dessus énumérés au Congo, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme formule les recommandations ci-après :
A l’endroit du Gouvernement de la République :
- Garantir l’Etat de droit et la démocratie en République du Congo à travers le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales autant que la Constitution du 20 Janvier 2002 ;
- Adopter des textes d’application en vue de vulgariser les dispositions du préambule de la Constitution sur le respect et la promotion des droits humains ;
- Mettre un terme définitif à l’impunité dans le pays grâce à des sanctions exemplaires contre les auteurs identifiés des violations des droits de l’Homme ;
- Garantir les libertés fondamentales, d’expression et de presse, le droit syndical, tout en laissant libre cours aux activités de l’opposition et au travail des défenseurs des droits de l’Homme ;
- Adopter des mesures visant à relever les indicateurs sociaux du pays actuellement au rouge et soulager les populations minées par le chômage, et dont plus 50% vit dans la précarité ;
- Garantir une justice indépendante et accessible à tous les citoyens ;
- Réformer la Force Publique en vue de la rendre véritablement républicaine ;
- Mettre fin aux exactions policières dont sont victimes les populations ;
- Garantir l’intégrité physique et psychologique des dirigeants syndicaux, politiques et des activistes des droits de l’homme.
A la Communauté internationale :
- De renforcer les capacités des ONG nationales en matière de monitoring des violations des droits humains et des libertés ;
- De faire pression sur les gouvernements des pays hôtes de façon quel’assistance tant technique que financière soit assujettie au respect effectif et à la promotion des droits de l’Homme.
Aux organisations nationales de défense des droits de l’Homme :
- De renforcer les actions de plaidoyer à l’intention des décideurs et autres, en faveur du respect des droits de l’homme, des libertés individuelles et publiques ;
- De faire le monitoring des violations des droits de l’homme ;
- De travailler en synergie en vue de mettre en place un réseau de suivi des violations des droits de l’homme ;
Fait à Pointe-Noire, le 10 décembre 2013
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